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16 juillet au 7 août, et le sultan y reçut la visite du ministre de France. Moulaï-el-Hassan atteignit ensuite la région du Tadela et s’arrêta à Rorm-el-Alem, dans le pays des Aït-Issri, où il séjourna jusqu’au 30 septembre. Puis l’armée s’enfonça dans la montagne jusque chez les Aït-Ouïrra, afin d’y précipiter la soumission des Aït-Chokman que l’on voulait châtier, et dont on avait déjà razzié les récoltes pour les punir de la part qu’ils avaient prise au meurtre de Moulaï-Serour. Mais l’action manqua par le défaut d’entente de tous les chefs, et en particulier par la rivalité du ministre de la guerre et du caïd des Zaianes. Ce fut en vain que l’on attendit la reddition ; et la hâte du départ de la colonne pour rentrera Merâkech ajouta encore à l’insuccès de cette campagne par le mauvais effet qu’elle produisit sur l’esprit des tribus. A Merâkech furent célébrées les fêtes du mariage de Moulaï-Mehemmet, le fils aîné du sultan. Tandis que Moulaï-el-Hassan poursuivait les opérations précitées, une très grande insurrection avait éclaté chez les Aït-Izdeg, dans le massif des hautes montagnes où la Moulouïa prend sa source. Ces populations s’étaient unies contre le caïd des Aït-Ioussi, Ould-Thaleb-Mohammed, un des personnages les plus influens du Maroc, sorte de vice-roi, vassal du sultan, dont il représentait l’autorité dans ces régions. Les Aït-Izdeg descendirent en foule de leurs montagnes pour venger l’honneur d’une de leurs familles, celle des Ould-Soumeur, outragée depuis l’enlèvement d’une jeune fille par Ould-Thaleb-Mohammed. Les révoltés, ayant mis le siège devant la demeure du ravisseur, s’emparèrent du malheureux, qui était blessé, et le martyrisèrent. Ils le laissèrent sans nourriture, et quand il fut à demi mort, ils le forcèrent à manger des morceaux de sa propre chair que ses bourreaux lui avaient coupés. L’impression produite par ce meurtre et par les circonstances horribles dans lesquelles il avait été commis fut très grande dans tout le pays, et à la cour il fut très commenté.

Le sultan passa tout l’hiver à Merâkech, et on y vit arriver les ambassades des ministres de France et d’Angleterre. Le chef de cette dernière mission désirait régler une importante affaire relative à un riche protégé indigène anglais, alors en procès avec le pacha de la ville. Il avait obtenu du sultan, non sans de grandes difficultés, la destitution et l’emprisonnement de ce fonctionnaire, quand il fut frappé d’une attaque et mourut dans la nuit même qui devait précéder l’arrestation. Le représentant britannique avait de même réussi à faire concéder par le sultan un petit terrain situé au bas du cap Spartel et non loin du phare international qui y existe, à seule fin d’y établir un sémaphore ; mais, en raison de l’importance stratégique considérable de cette