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1876 M. Pasteur, et « l’on doit penser que, si l’on soumettait un même moût de raisin à l’action de levures distinctes, on en retirerait des vins de diverses natures. » Douze ans plus tard M. Jacquemin a donné la solution du problème en fabriquant, dans son laboratoire, un vin d’orge à bouquet bien caractérisé de sauternes. MM. Louis Marx, Martinaud et Rommier, en France, MM. Muller-Thurgau et Wohrmann en Allemagne, se livrèrent à des recherches analogues. Ils constatèrent que la marche de la fermentation est différente, suivant que telles ou telles levures y président.

On a pris, pour le démontrer, un même jus de raisin contenant 20 ou 25 pour 100 de sucre, et on l’a ensemencé avec différentes espèces de levures de vin obtenues à l’état de pureté. Il a été constaté que telle levure transforme 19 pour 100 de sucre, telle autre 15, une troisième 4 1/2 seulement. Elles produisent donc, avec le même moût, des qualités variables d’alcool et aussi d’acidité. Parmi ces levures, il en est qui aiment une température de 20 à 25 degrés, qui deviennent inactives ou qui meurent vers 32, tandis que d’autres marchent encore vers 35 degrés. On a remarqué aussi qu’avec le même raisin on se procure des vins très divers suivant la provenance des fermens. M. Martinaud, en faisant fermenter quatre lots d’un même moût avec des levures de bourgogne, de beaujolais, de Champagne et de bordeaux, a obtenu quatre vins différant entre eux par le goût et le bouquet, et se rapprochant des vins correspondans.

Il était naturel que l’on songeât à transporter ces découvertes dans la pratique, c’est-à-dire à ensemencer les moûts avec des levures sélectionnées qui, se développant les premières et prenant ainsi possession du terrain, imprimeraient en quelque sorte leur cachet particulier au vin fabriqué. Des établissemens spéciaux se sont fondés pour la culture de ces infiniment petits. Ils expédient en bidons scellés, contenant les quantités nécessaires pour 20, 50 et 100 hectolitres de moût, des fermens de presque tous les vins qui leur sont demandés, de la graine de vin, — un demi-litre de ce liquide suffisant pour 10 hectolitres de vin. — La levure ne se conservant pas au contact de l’air, on n’ouvre ces bidons qu’au moment où l’on veut les employer. Leur contenu, — généralement des saccharomyces ellipsoïdeus, reconnus pour la famille la plus recommandable de fermentateurs, celle qui accomplit le meilleur travail, — est mêlé à une proportion six fois plus forte de moût, que l’on tient pendant quarante-huit heures à une température moyenne de 25 degrés. Ceci a pour but d’obtenir un volume plus considérable de bons fermens ; on les