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années membre de l’Institut. Il fallait monter à cheval. Nous étions en général de pauvres cavaliers. Je crois me rappeler que M. Debray et moi nous fûmes surtout élus parce qu’ayant pris au collège des leçons d’équitation, nous savions nous tenir à peu près en selle.

Voici donc le nouveau capitaine d’état-major introduit devant la commission présidée par M. Letronne. Comment l’habillerait-on ? Lui donnerait-on un habit ou une tunique ? Un sabre ou une épée ? J’entendis une savante dissertation sur les avantages de la tunique, qui protège mieux le corps, surtout les entrailles, et je dois dire que, des orateurs qui prirent la parole, ce fut le tailleur qui me parut le plus éloquent. Soutenu par notre directeur, qui n’était pas fâché de voir ses élèves bien habillés, il insistait pour qu’on relevât notre uniforme par une écharpe, comme cela se fait dans beaucoup d’armées étrangères. Mais l’écharpe parut ambitieuse. A mon grand regret, on nous la refusa. On finit par adopter un uniforme qui n’était pas dépourvu d’élégance : une tunique foncée à un seul rang de boutons, avec un col de velours vert décoré de palmes universitaires en or, avec des paremens également en velours vert, un pantalon de même couleur que la tunique, relevé par une double bande de drap vert, un chapeau orné d’une grosse torsade en or et une épée attachée par un ceinturon de cuir noir.

Une fois l’école habillée, on lui donna des fusils et des instructeurs militaires. La philosophie, les lettres, l’histoire, les mathématiques, la chimie, la physique furent reléguées au second plan. Le maniement d’armes et l’école de peloton les remplacèrent. Lorsque des hommes d’une intelligence et d’une instruction à peu près égales manœuvrent ensemble, ils se forment plus facilement et mieux que des natures incultes et ignorantes mêlées à des gens cultivés. C’est le secret de la supériorité incontestable du bataillon de Saint-Cyr sur les bataillons ordinaires : d’ailleurs l’amour-propre s’en môle ; l’esprit de corps, le point d’honneur, stimulent la bonne volonté de chacun. Je ne sais si nos instructeurs voulaient nous flatter, mais au bout de deux mois ils nous assuraient que nous manœuvrions aussi bien que des Saint-Cyriens qui auraient commencé en même temps que nous.

Dans la matinée, M. Debray et moi, nous prenions part aux exercices de nos camarades ; mais le reste du temps nous le passions à l’état-major de la garde nationale, au rez-de-chaussée du palais des Tuileries, en compagnie des capitaines élus par les différentes écoles, de quelques Saint-Cyriens et de quelques élèves de l’École polytechnique. A chaque instant l’un de nous recevait