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comptent dans le conseil d’administration. M. Durant et sa femme, qui lui survit, ont toujours affirmé sur ce sujet des idées très absolues. L’histoire de la fondation du collège (1875) est curieuse et touchante.

Un avocat en renom eut, dans la force de l’âge et du succès, le cœur brisé par la mort de son enfant unique : il abandonna brusquement le barreau pour se livrer à des œuvres religieuses et philanthropiques. L’inspiration lui vint d’assurer à la masse des jeunes filles de son pays les bienfaits d’une éducation qui les rendrait propres à toutes les carrières et, dès le mois de septembre 1871, la pierre angulaire du bâtiment principal, le College Hall, fut posée, côte à côte avec une Bible.

Le College Hall est un bel édifice, brique et pierre, en forme de croix latine double. On entre dans un vestibule monumental dallé de marbre, rempli de plantes vertes décoratives, au milieu duquel s’élève l’escalier, éclairé d’en haut à la mode italienne, avec balustres et galeries d’étage en étage. Partout des tableaux, des statues : celle de Harriet Martineau, par miss Whitney, semble, dès le seuil même de la maison, montrer le chemin aux logiciennes, aux économistes, aux réformatrices de l’avenir. Le grand salon de la faculté est décoré avec luxe ; un autre salon est dédié à la mémoire d’Elizabeth Browning, apparemment comme au plus pur et au plus élevé des génies féminins ; il renferme tous les portraits et tous les bustes de l’auteur d’Aurora Leigh, auxquels sont joints des autographes de son mari.

La magnifique bibliothèque compte plus de 40 000 volumes, grâce à la générosité du professeur Horsford, de Cambridge. Les étudiantes ont le libre accès de cette bibliothèque, distribuée avec une méthode et un souci du recueillement de chacune, tout à fait incomparables ; elles trouvent en outre une quantité de revues anglaises ou étrangères, rangées sur des tables spéciales. Il en est de même d’ailleurs dans tous les autres collèges. Je risquerais de continuelles redites en énumérant les clubs, les sociétés diverses que recèle chacun d’eux, — les membres de celles-ci, qui portent des noms appropriés à leur but : Phi Sigma, Zeta Alpha, Agora, etc., se proposant d’activer les études littéraires ou de susciter un intérêt intelligent pour les questions politiques du jour, ou encore de s’occuper de musique sous l’invocation de Beethoven, — ainsi de suite. Il va sans dire que partout il y a une Shakespeare society et qu’une association chrétienne dirige le zèle religieux vers les questions sociales. Le théâtre aussi a ses adeptes à titre de récréation : en visitant avec le secours de l’ascenseur tous les nombreux étages du collège, nous