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Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 126.djvu/106

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judicieux que le monde attache à ce mot ; une autre à des dépenses pour secourir, aider ou guider son prochain : dépenses de patronage, dépenses pour s’associer aux expériences incertaines en vue d’un résultat utile, de manière à concourir efficacement au mouvement de la civilisation. Nous ne faisons qu’esquisser cette fonction essentielle de l’homme riche : nous lui consacrerons, dans un prochain article, quelques développemens. Il doit, en outre, conserver avec soin sa fortune : ce n’est pas pour lui seulement un acte de prévoyance, c’est un devoir social ; il doit même l’accroître ou chercher à le faire par une épargne qui n’ait rien de sordide ni d’outré ; mais il ne lui est pas défendu de faire une part au luxe bien conçu, dépassant le simple confortable ; il est même bon qu’il fasse cette part : c’est presque là aussi une partie de sa mission.

La civilisation et l’humanité perdraient infiniment et la production elle-même à l’élimination de tout luxe.

Le luxe, en dehors de certains abus, étant ainsi justifié ou excusé, il n’en est pas moins vrai qu’il n’est pas le but de la richesse. La fortune n’est et ne doit être qu’accessoirement un moyen de jouissance ; elle est surtout un pouvoir d’administration ; c’est à ce titre qu’elle mérite d’être recherchée et conquise. C’est pour ce caractère que nombre de natures énergiques la poursuivent. En tant que pouvoir d’administration, la fortune a une fonction sociale ; cette fonction, nous nous efforcerons de la dégager et de l’exposer dans une prochaine étude.


PAUL LEROY-BEAULIEU.