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et plus égale. Elle ne doit pas dépasser 200° à 250°. Le temps pendant lequel doit durer l’opération varie suivant les espèces et se règle sur la coloration que prend le grain. Pour le moka et le Zanzibar, on ne doit pas dépasser la teinte rousse ; on peut aller un peu plus loin quand il s’agit du martinique et du bourbon, mais il est important de ne pas dépasser la limite du brun roux, parce que la torréfaction, lorsqu’elle est poussée trop loin, carbonise la cellulose, détruit l’arôme, lui substitue une odeur acre, désagréable et altère la composition du grain. C’est ce qui arrive trop souvent en France, où on veut que l’infusion soit d’une couleur foncée. En Italie, la torréfaction est encore poussée plus loin. Le café, dit un aphorisme populaire très connu dans le pays, doit être chaud comme l’enfer et noir comme le diable. Nous n’exigeons pas de lui ces qualités infernales, mais nous le grillons encore plus qu’il ne faudrait.

La torréfaction fait perdre, en moyenne, au café de 15 à 20 pour 100 de son poids, son volume augmente d’un tiers et sa composition n’est plus la même. En grillant, il perd la majeure partie de son eau ; la gomme et le sucre ; diminuent d’une manière sensible ; la cellulose et les matières extractives augmentent de proportion, mais la quantité de caféine reste à peu près la même. Le café vert en contient, d’après le laboratoire municipal de Paris, 0,93 pour 100 et le café grillé, 0,97. Sous l’influence de la chaleur, il se développe, dans la graine, des principes nouveaux. C’est d’abord une huile empyreumatique à laquelle on attribue ses propriétés excitantes et qui porte le nom de caféone, puis de petites quantités de méthylamine, de pyrrhol, d’acétone, des acides palmitique, acétique et carbonique.

En France, on a l’habitude de moudre le café. Le moulin dont on se serf le réduit en poudre trop grosse pour qu’elle puisse passer par les petits trous dont est percée la paroi inférieure du cylindre dans lequel on le fait infuser. Dans le Levant, on le pile, et Brillat-Savarin préférait cette méthode à l’autre. Malgré cette autorité, nous pensons qu’il vaut mieux s’en tenir à la pratique que l’usage a sanctionnée chez nous, que de retourner aux procédés barbares des peuples primitifs.

En Turquie, on n’y met pas tant de façons. On fait griller le café à l’air libre sur une poêle percée ; de trous, on le broie entre deux pierres plates, on jette la poudre dans l’eau bouillante, on agite un peu le mélange et on le verse dans de très petites tasses. Le café à la turque se boit sans lait et sans sucre. J’en ai souvent pris à Tunis, à Tripoli et à Alger. J’ai vu mes compagnons de voyage s’extasier sur l’arôme exquis de cette sorte de bouillie,