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sa consommation il suffit, il me semble, de la surveillance de la police pour les empêcher de dégénérer en tripots.

Il faut éviter également que les cafés de tempérance, dont le but est purement moral, prennent un caractère politique et se transforment en clubs. Dans le Jura bernois, on en a fait, à tort à mon sens, un instrument de propagande religieuse ; en France ce serait un danger. Pour que des établissemens semblables prospèrent chez nous, il est indispensable de laisser à ceux qui les fréquentent la plus grande somme de liberté possible ; mais à cette condition, il n’y a pas de raisons pour qu’ils ne réussissent pas chez nous comme en Suisse, et c’est assurément une chose à tenter.

Tous les moyens doivent être mis en œuvre pour lutter contre le fléau qui dévore les sociétés modernes. S’il était possible de substituer peu à peu, dans les classes laborieuses, le goût des boissons qui ont la caféine pour base à la passion de l’alcool et de ses dérivés, ce serait un beau triomphe. Tour le moment, ce n’est encore qu’un rêve. Il ne faut pas songer à arracher aux cabarets la clientèle des alcooliques et des dégénérés ; mais on peut leur enlever celle des gens qui ne le sont pas encore devenus, de ceux qu’épouvantent les conséquences de ce vice, que dégoûte la vue des ivrognes et qui craignent de tomber au même degré d’abjection : on peut surtout sauver de cet abîme les femmes et les enfans, et quand on ne ferait qu’arracher au gouffre une portion minime de ceux qu’il attire, cela vaudrait encore la peine de le tenter, au prix de sacrifices bien modestes et de quelques efforts (rue le moindre succès suffirait à récompenser.


JULES ROCHARD.