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en Aulide, Phèdre, Cinna, Andromaque, Horace, Bajazet : le 11 octobre, ils sont de retour à Paris.

Aussitôt après la proclamation de l’empire, commence le régime des ordonnances et décrets. Depuis longtemps les acteurs en prennent trop à leur aise, l’abus des représentations en province et à l’étranger excite des plaintes très vives : Lafon a trouvé le moyen de s’adjuger six mois de congé dans une seule année. Il importe de mettre bon ordre à ces erremens, et l’ordonnance du 21 novembre y pourvoira : amende de cent cinquante francs pour le comédien à part entière s’il prévient la veille qu’il ne jouera pas le lendemain ; amende égale au produit de la représentation s’il fait manquer le spectacle ; privation momentanée du titre et des appointemens de sociétaire s’il reste deux mois et demi sans faire son service ; exclusion de In société sans pension si le fait se renouvelle. Une ordonnance de 1805 oblige tous les sociétaires à paraître aux cérémonies du Bourgeois gentilhomme et du Malade imaginaire. Le décret du 8 juin 1806, qui ramène à dix le nombre des théâtres, dans l’intérêt des mœurs et de la littérature, et soumet à un arrêté ministériel les répertoires de l’Opéra, de la Comédie-Française, de l’Opéra-Comique, défend à tout autre théâtre de jouer leurs pièces : deux théâtres pour les grandes villes, un dans les petites. Napoléon voulait supprimer le théâtre de la Montansier, et Cambacérès trouvant la mesure trop sévère : « Je ne m’étonne pas, riposta l’empereur, que l’archichancelier soit pour la conservation de la Montansier ; c’est le vœu de tous les vieux garçons de Paris. » Et le théâtre de la Montansier, toléré par grâce, défendu par ses jolies actrices, dut émigrer du Palais-Royal à la Cité. Mais, hélas ! le nouveau décret ne produit guère d’effet, trois nouveaux théâtres s’ouvrent, les grands ne font rien, l’Opéra a des dettes, Feydeau n’attire personne, les Français ne battent que d’une aile[1], tandis que le public s’écrase au Pied de Mouton et aux ballets de la Porte-Saint-Martin. Et de plus en plus draconiens, décrets, arrêtés pieu vent comme grêle : décret du 25 avril 1807 qui reconnaît deux classes de théâtres, les grands et les secondaires, interdit de rien jouer en dehors du répertoire ? autorisé et jette une foule d’artistes sur le pavé par la suppression de seize théâtres ; décret du 29 juillet 1807 qui règle les représentations à bénéfice, donne pleins pouvoirs aux préfets, sous-préfets et maires, d’empêcher les acteurs de prolonger leurs congés dans les départemens, fixe à huit le nombre des théâtres « de notre bonne ville de Paris » ; décret du Ier novembre 1807, nommant le comte de Rémusat

  1. La recette de l’année 1801 s’élève au chiffre de 559 671 francs, dont 111 494 fr. pour la location ; les droits d’auteur emportent 40 000 fr., le droit des pauvres le onzième de la recette brute.