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surintendant des quatre grands théâtres impériaux (Opéra, Français, Feydeau [Opéra-Comique] théâtre de l’impératrice [Odéon]) ; — enfin, plus tard, le décret de Moscou, décret trompe-l’œil, rédigé pendant les longues, les énervantes journées d’attente, lorsque l’empereur espérait qu’Alexandre allait demander la paix, destiné à donner le change aux habitans de Paris, à l’Europe sur sa situation. C’est le Code de la Comédie, trop connu sans doute pour qu’il convienne de l’analyser en détail : surveillance et direction du surintendant, administration du commissaire impérial, produit des recettes divisé en vingt-quatre parts, engagement pour chaque sociétaire de jouer pendant vingt ans, fixation des retraites et traitemens, comité administratif de six acteurs nommé chaque année par le surintendant, formation du répertoire, amendes, débuts, congés, lecture des pièces nouvelles, élèves du Conservatoire, tout est prévu dans cet acte où l’empereur essayait d’endormir les angoisses de son âme.

La Comédie-Française ainsi constituée, il l’emmène à Erfurt et à Dresde. Le 19 septembre 1808, quatorze artistes quittent Paris et font assez grande diligence pour commencer leurs représentations le 28 : ce sont Saint-Prix, Talma, Damas, Lafon, Desprez, Lacave, Varennes, Mmes Raucourt, Talma, Duchesnois, Bourgoin, Gros, Patrat, Rose Dupuis ; ils ont pour chef Dazincourt, nommé directeur des spectacles de la cour, déjà malade du mal qui va l’emporter. Napoléon a pris tous les premiers sujets de la tragédie, pas de comédiens : on ne comprend guère Molière en Allemagne ; et il importe avant tout de montrer aux Germains la beauté, la grandeur de notre scène tragique. La salle de spectacle d’Erfurt est petite, malpropre ; Dazincourt la répare en soixante-douze heures : au milieu de l’orchestre, une estrade, deux fauteuils où prennent place Napoléon et Alexandre, des chaises garnies pour les rois, de simples banquettes pour les grands-ducs et princes souverains. Le 3 octobre, dans la première scène d’Œdipe, lorsque Philoctète dit à son confident


L’amitié d’un grand homme est un bienfait des dieux,


Alexandre se tourne vers son voisin et lui serre la main avec une grâce charmante, faisant ainsi l’application du vers. Le 6 octobre, grande partie de chasse dans la forêt d’Ettenburg, fête au palais de Weimar et représentation de la Mort de César. Napoléon a lui-même indiqué la pièce : chaque vers forme allusion, et il semble s’y complaire, se comparant à César au milieu des conjurés, épiant les mouvemens, les émotions de cette foule royale. Auprès, autour de lui, Alexandre, duc et duchesse de Weimar, reine de