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auraient arrêté la guerre au début n’aient plus aujourd’hui la même efficacité. Le gouvernement chinois a fait savoir aux puissances, par l’intermédiaire de leurs représentans à Pékin, qu’il était prêt à abandonner la suzeraineté de la Corée et à payer une indemnité de guerre dont le montant serait fixé plus tard : il y a là, sinon les termes d’un accord, au moins les bases d’une négociation. Peut-être sera-t-elle assez longue et, pendant ce temps, les Japonais continueront d’aller de l’avant. On annonce qu’ils viennent de prendre Port-Arthur. L’hiver seul, nous l’avons dit, pourra les arrêter : heureusement il est proche. Si cette première ouverture du gouvernement chinois avait été faite plus tôt, le gouvernement anglais l’aurait sans doute accueillie avec un empressement affiché et, de son côté, il aurait fait des suggestions aux autres puissances. Mais la démarche prématurée de lord Rosebery semble l’avoir légèrement refroidi, et même rendu timide dans ses initiatives diplomatiques. Il vient de prononcer un nouveau discours qui apporte de notables atténuations à ceux qui l’ont précédé. Il y a là une intention manifeste d’être agréable à tout le monde, et, bien que l’expression n’y corresponde pas toujours avec un bonheur parfait, il convient d’en tenir compte à un orateur ordinairement plus fougueux. Lord Rosebery ne peut jamais s’empêcher de nous donner quelques conseils, car nous prenons bien pour nous ce qu’il dit du danger des expéditions lointaines. Il rappelle, non peut-être sans quelque malice, notre ancienne confraternité d’armes contre la Russie, mais il aime aujourd’hui la Russie autant que nous l’aimons nous-mêmes, et en parle comme nous pourrions le faire. La mort d’Alexandre III lui a rappelé celle de M. Carnot, et il a parlé de l’assassinat de Lyon en termes mieux choisis qu’il ne l’avait fait sur le moment même. Il a d’ailleurs tout à fait oublié la guerre de Cent ans, et ne rêve plus avec nous qu’une rivalité pacifique dans l’intérêt de la civilisation universelle. Avec la Russie, il se propose de résoudre toutes les questions qui pourraient les diviser en Asie, et peut-être regarde-t-il surtout, malgré l’extrême réserve de son attitude, aux confins orientaux du continent jaune. Ni la Russie ni la France ne sont des puissances négligeables en Extrême-Orient. Lord Rosebery en a eu le sentiment subit, et nous lui savons gré d’avoir usé, cette fois, du ton conciliant et courtois qui rend les bons rapports plus faciles et aussi plus féconds.


Avec l’Espagne, nos rapports n’ont jamais été meilleurs. Nous le disons, parce que la chute de M. Moret, survenue immédiatement après son voyage à Paris, pourrait donner lieu à des interprétations inexactes. Les événemens qui se sont succédé au Maroc depuis quelque temps ont mis très heureusement à l’épreuve les sentimens réciproques de l’Espagne et de la France : il en est résulté une plus grande confiance