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C’est grâce à cette intervention conciliante qu’on avait fini par imaginer une sorte d’accommodement. Tout concours militaire, soit directement prêté par la France, soit conseillé et suggéré par elle à des tiers, étant déclaré impossible, il sembla qu’une assistance pécuniaire, à la condition d’être justifiée par une direction d’intention un peu subtile, serait de nature à soulever moins de scrupules. L’argent de la France ne devrait pas alors être employé à soudoyer des troupes pour les mettre au service de l’Autriche, mais seulement à barrer le chemin aux propositions du même genre que l’Angleterre ne manquerait pas de faire. Nul doute, en effet, que l’Angleterre engagée désormais à rendre service à la Prusse, ne s’efforçât de détourner par ses largesses les auxiliaires dont l’Autriche aurait pu espérer quelque appui : et si on laissait une fois (suivant la vive expression que nous avons vu employer par Frédéric) les guinées anglaises tomber dans le chapeau toujours tendu des princes allemands, l’Autriche n’aurait plus su en réalité à quelle porte frapper. Moyennant une subvention égale promise par la France, on pouvait soustraire les faibles à cette tentation. Leur neutralité ainsi assurée, ils seraient libres de la transformer ensuite à leur gré en secours effectif sans avoir besoin de prendre l’avis et même de demander l’assentiment de la France. Restait à trouver une forme convenable pour ôter à cette avance l’apparence (vraie ou fausse) d’une participation à la campagne agressive dont Louis XV tenait à ne pas rester responsable. Après en avoir cherché et débattu plusieurs, la meilleure paraissait être de donner à la somme versée l’étiquette d’une soulte à payer pour ramener à des conditions tout à fait équivalentes l’échange à opérer entre les duchés italiens et la principauté flamande promise à l’infant Philippe. Et de fait, bien que ce genre de calcul, appliqué à des souverainetés politiques, fût assez singulier, il n’y avait rien d’excessif à considérer un territoire de Flandre comme d’une valeur vénale très supérieure à la même quantité prise en Italie[1].

Mais sur l’étendue même et la situation du territoire qui devait être abandonné à l’infant, était-on bien assuré de s’entendre ? La France ne promettant plus son aide que dans des conditions très inférieures à ce qui lui était demandé, il était à craindre que l’Autriche ne voulût réduire ses concessions dans la même proportion. Le seul fait de reculer et de dégarnir la frontière des Pays-Bas ne pouvait-il pas déjà être regardé comme un sacrifice bien considérable pour un si mince avantage ? Aussi l’Autriche commençait-elle à dire qu’il faudrait trouver quelque moyen de faire en

  1. Stahremberg à Kaunitz, 27 février, 11 mars 1756 (Archives de Vienne).