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La rédaction de la convention de neutralité et du traité défensif ne prit guère plus d’une semaine et ne donna lieu à aucun débat important. Un trait caractéristique était à remarquer pourtant dans le second de ces documens. Au lieu de se borner à des promesses de garantie vagues et générales, comme c’est l’usage dans les traités dont l’application ne doit avoir lieu qu’à longue échéance et sous des conditions incertaines, on crut devoir entrer avec une extrême précision dans le détail de la nature et de l’étendue du secours que chacune des deux parties devrait, en cas d’agression, prêtera l’autre. Ce secours dut consister en dix-huit mille hommes d’infanterie et six de cavalerie qui durent être tenus prêts dans un délai de deux mois à partir du jour où il en serait fait réquisition. Si la partie attaquée préférait recevoir le secours en argent, on en réglait d’avance l’équivalent de la manière suivante : huit mille florins pour chaque mille hommes d’infanterie et vingt-quatre mille pour chaque mille hommes de cavalerie, le tout payé comptant et par avance. Ce n’est en général qu’à la veille d’entrer en campagne que des règlemens d’une telle exactitude paraissent nécessaires. Une agression prochaine, rendant la résistance obligatoire, semblait donc à prévoir dans un délai rapproché. C’était un souffle de guerre qui s’élevait et qui, en passant sur le timide conseil de Louis XV, dut y causer quelque malaise : suivant une expression vulgaire, cela sentait la poudre.

Deux articles séparés et destinés à rester secrets attestaient aussi que les deux cours alliées avaient à se préoccuper de dangers futurs à prévenir et de desseins nouveaux à poursuivre. Par le premier, il était stipulé que, bien que la neutralité convenue dût s’appliquer à tous les incidens de la guerre déjà engagée entre la France et l’Angleterre, « si, cependant, à l’occasion de la dite guerre, d’autres puissances que V Angleterre venaient à attaquer même sous prétexte d’auxiliaires » les provinces ou possessions de l’une ou de l’autre des parties contractantes, il y aurait lieu d’appliquer la garantie promise par le traité défensif. Quel était donc cet auxiliaire de l’Angleterre dont l’intervention paraissait à craindre ? Ce n’est pas à l’Autriche qu’il était besoin de le demander.

L’autre disposition, également secrète, était plus vague, mais par là même encore plus significative : Les deux puissances, désirant