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menacé, donna l’ordre de ne pas tirer sur cette troupe approchante et sur ce danger grandissant. Avant qu’il ne se fût reconnu, de violentes décharges, en faisant des jours dans ses rangs, et le couchant lui-même, percé de vingt balles, coupaient court à sa mortelle erreur.

La catastrophe allait promptement suivre la surprise. Car la 3e brigade bavaroise avait marché derrière la 4e ; elle s’était établie, non sans peine, au-dessus de Goury, face à Ecuillon. Très endommagée d’abord par la fusillade du 38e et par celle du 7e chasseurs, peu s’en fallait qu’elle ne perdît deux batteries, attaquées à l’instant même de leur arrêt, avant l’ouverture de leur tir. Mais des compagnies allemandes, résolument avancées, conjuraient le danger ; elles entraînaient dans leur mouvement le reste de la brigade, qu’on voyait progresser d’une seule haleine jusqu’à Ecuillon. Devant cette hardie contre-attaque, l’artillerie de la division Barry se retirait précipitamment; son roulement, sur cette terre gelée, s’accompagnait d’un bruit de tempête, et cette impression terrifiante abattait tout à coup le moral déjà faiblissant de nos jeunes soldats. Ils pliaient donc, et cette première heure perdue perdait la journée. En vain, vers midi, une deuxième colonne française revenait-elle battre l’écueil de Goury par l’afflux incessant de troupes neuves, qui se défonçaient l’une après l’autre contre le récif. Cependant, la division Maurandy, suivant sa route latérale, s’était échouée sur Lumeau ; débarrassée d’elle, la 17e division prussienne pouvait lancer la brigade hanséatique à travers le combat principal; celle-ci, comme tout à l’heure la 3e bavaroise, marchait d’un trait jusqu’à Fougeu : elle tendait ainsi un rapide rideau, qui nous fermait définitivement le fond de la scène. Tout le corps de von der Thann convergeait bientôt vers Loigny, où s’engageait pour plusieurs heures, sous la fumée de l’incendie et sous celle de la mousqueterie, une lutte sanglante de rues et de maisons.

Cependant, le 33emobiles se retirait de Villerand sur Villepion ; la brigade Deplanque rétrogradait depuis Villours jusqu’à Faverolles, suivie par la mitraille prussienne; quatre batteries allemandes étaient devant Ecuillon, deux entre Loigny et Fougeu, dix peut-être entre Fougeu et Villerand : tout ce métal, éparpillé sur un arc de cercle enveloppant et grandissant, aboyait contre les asiles de Faverolles et Villepion. Puis, la cavalerie du prince Albert venait menacer à revers les troupes assises sur ces deux positions. Partie au trot de la Frileuse, elle passait entre Cornières et Villevé, quand elle découvrit au loin, de part et d’autre de Gommiers, deux masses noires : c’étaient les colonnes du 17e corps qui entraient sur le champ de bataille.