bonnes faces florentines peintes par Ghirlandajo au chœur de Santa-Maria-Novella ou sculptées en bronze par Ghiberti sur les portes du Baptistère : Voilà, direz-vous, de fort braves gens ! Prenez garde et observez de plus près. Il y a autour des yeux des traces de clignotemens suspects, dans l’œil encore plus d’astuce méfiante que de bonhomie; ces nez qui paraissent un peu forts, comme il couviendrait à de joyeux compères, ont des narines bien mobiles et savent assurément flairer les anguilles sous roche ; ces bouches aux lèvres fermes doivent plaisanter, railler et mentir avec bien de la grâce. Le lion est la bête héraldique de leur cité. Mais ils justifient déjà par avance la doctrine de leur profond Machiavel, et, n’ayant point les griffes assez solides pour être des lions, ils se contentent d’être des renards incomparables. Aussi le malicieux animal n’est-il point oublié par le Novellino :
« Le renard, allant par un bois, y rencontra un mulet, il n’en avait jamais vu. Il eut grand’peur et se mit à fuir sur-le-champ, et, tout en fuyant, il trouva le loup et lui dit comment il avait vu une bête nouvelle dont il ne savait pas le nom. Le loup dit aussitôt : « Allons-y, tout à votre service. » Ils retrouvèrent le mulet. Il parut au loup une nouveauté très curieuse. Le renard lui demanda son nom. Le mulet lui répondit : « Je ne l’ai pas dans l’esprit, mais, si tu sais lire, il est écrit à mon pied droit du train de derrière. » Le renard : « Hélas! je suis un ignorant, qui voudrait bien savoir lire! » Le loup dit : « Laisse-moi faire, moi je sais lire parfaitement. » Le mulet lui montra la plante de son pied, où les clous semblaient autant de lettres. Le loup dit : « Mais je ne vois pas très bien. » Le mulet dit : « Viens plus près, car les lettres sont toutes petites. » Le loup le crut et mit le nez sur le sabot. Le mulet tira à lui son pied et lança une telle ruade au loup qu’il le tua. Alors le renard s’en alla en disant : « Quiconque sait lire est un fol. »
Je ne voudrais point calomnier le renard, mais je le soupçonne d’avoir prévu la catastrophe, au moins d’en rire dans sa barbe. A combien de mauvais pas le renard guelfe n’a-t-il pas entraîné sa commère la louve pontificale de Rome ! Il n’a jamais porté le deuil des désastres du Saint-Siège. Boniface VIII recevait, au temps même du Novellino, comme un coup de massue, l’affront d’Anagni. Florence, qui s’était jadis jetée entre ses bras, ne s’émut point de cette grande chute. « On l’emmena à Rome, dit tranquillement Dino Compagni, où il fut blessé à la tête et, peu de jours après, mourut de rage. Beaucoup furent contens et joyeux de cette mort. »
Mais il ne fait pas toujours bon d’avoir trop de ressources dans