ce fermier qui veut bien prendre une ferme où il y a tant d’aléa. Il augmente et conserve pour la nation une propriété de garde difficile, il lui en épargne l’exploitation chanceuse. Il dégage les responsabilités militaires, diplomatiques, financières de l’État. Est-il trop faible pour soutenir le drapeau? L’État vient à la rescousse au moment qu’il juge opportun. Devient-il trop robuste et trop envahissant? Le royaume qu’il a créé fait inévitablement retour à l’Etat, comme ce fut le cas pour la Compagnie des Indes anglaises. Voyez avec quelle habileté l’Angleterre emploie ces auxiliaires, depuis la fameuse compagnie indienne jusqu’à celle du Niger, avec quelle souplesse elle allonge ou retient les rênes de ces attelages qui portent sa fortune ! Richelieu et Colbert, lorsqu’ils convoitèrent Madagascar, confièrent l’exécution de leurs desseins à des compagnies. L’île africaine était le principal objectif de la Compagnie des Indes orientales, fondée par Colbert en 1664, célébrée par François Charpentier, de l’Académie française, dans le Discours d’un fidèle sujet au Roi touchant rétablissement d’une compagnie française pour le commerce des Indes orientales.
Cette même société eut au siècle suivant Dupleix pour capitaine-général. Louis XIV était de meilleure composition que la République sur ces droits régaliens que l’on tremble d’abandonner à des particuliers. Les statuts portaient que les gouverneurs militaires des possessions de la compagnie seraient nommés par la Chambre des directeurs, et que le roi se contenterait de les investir[1]. — Mais on ne trouverait pas aujourd’hui des capitalistes assez entreprenans pour former ces compagnies, disent les sceptiques en hochant la tête. Qu’en sait-on, puisqu’on n’a pas essayé, puisqu’on nous refuse la loi qui permettrait de tenter l’épreuve? On sait, par contre, et ce n’est pas consolant, que les capitalistes français prennent une part chaque jour plus forte dans les opérations des compagnies anglo-africaines du Sud. Nous possédons nominalement un cinquième de l’Afrique, nous allons y ajouter Madagascar, et, dans cette Afrique, la confiance des intérêts va droit à nos rivaux. Elle a raison, puisqu’on n’accorde pas aux intérêts l’outil qui leur permettrait de travailler chez nous.
La raison publique réclame cet outil, sous une forme ou sous une autre; elle réclame la mise en valeur de l’empire conquis par nos braves soldats. Si fiers que nous soyons de posséder tant de kilomètres carrés, si grande que soit notre joie quand nous apprenons un nouveau succès de nos troupes, le sens pratique de ce pays veut un peu plus. Il ne comprendrait pas que des
- ↑ Voir Pierre Bonassieux, Les grandes Compagnies de commerce; Paris, Plon et Nourrit. 1892.