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premiers jours de mai, le capitaine Louvel reçut des renseignemens qui annonçaient le prochain retour offensif de Samory, et il rétrograda sans retard dans la crainte d’être bloqué.

L’ordre lui fut donné de se reporter en avant, de mettre en état de défense le tata de Nafadié, d’y laisser 25 hommes, et d’aller occuper Bougourou, d’où il devait envoyer des reconnaissances. Il se conforma à ses instructions. Les nouvelles étaient devenues plus rassurantes, et les populations qui s’étaient réfugiées dans les montagnes commençaient à réoccuper leurs villages. Le commandant Combes pouvait croire que tout danger avait disparu ; mais c’était un de ces calmes trompeurs qui précèdent les tempêtes. Samory, décidé à envahir nos possessions, avait appris le mouvement de recul du capitaine Louvel ; rien ne s’opposait plus à sa-marche que le petit poste de Nafadié, où il pensait ne rencontrer que quelques tirailleurs indigènes, et du 27 au 28 mai, son armée franchit le Niger à Siguiri et à Tiguiribi.

Un récit adressé par un témoin oculaire à l’un de ses chefs, et qui n’a point été publié, nous donne une idée complète de ce qui se passa à Nafadié. Ce poste, placé près du village de ce nom, se trouvait à 80 kilomètres au sud de Niagassola, dans le pays de Siéké ; la colonne Louvel occupait le village de Bougourou, à 30 kilomètres plus au sud. Le 18 mai, le capitaine Dargelos était envoyé à Nafadié où il arriva le 22. Favorisé par un temps exceptionnel, cordialement accueilli partout, il était loin de soupçonner que le trajet qu’il venait de faire avec tant de facilité devait être exécuté quelques jours plus tard, en sens inverse, par une colonne de 200 fusils, obligée de conquérir pied à pied le terrain sur un ennemi acharné, et que dans ce pays couvert des premières végétations de l’hivernage si tendres au regard, la plupart des villages tranquilles et prospères qu’il avait traversés ne seraient plus que des amas de ruines.

Le village de Nafadié, ancienne capitale du Siéké, est adossé au pied des dernières pentes de la chaîne de Mansonnah, laquelle court de l’Ouest à l’Est, à cheval sur la route, avec un relief moyen de 200 mètres. Autrefois très important et bien fortifié, il avait été, quelques années auparavant, après un long siège, enlevé par Samory, qui l’avait détruit en grande partie, ne laissant à peu près intact que le mur d’enceinte. Il était habité, depuis peu, par quelques familles échappées au massacre et par le fils de l’ancien chef, qui haïssait trop le meurtrier de son père pour ne pas nous aimer. À 100 mètres au sud-ouest du village, se trouvait un groupe isolé de vieilles cases, ayant servi jadis de logement aux artisans qui forment chez les Soudanais une caste vivant à part. Une petite muraille circulaire en pisé enveloppait ce hameau. C’était le poste de Nafadié, dont le capitaine Dargelos était venu prendre le commandement.