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Il est essentiel que ce capital ne soit pas grevé à l’avance et ne soit pas d’ores et déjà attribué à titre de gage direct ni indirect à de nouveaux emprunts. Actuellement les revenus en sont affectés non seulement au service des intérêts, mais aussi au remboursement graduel des obligations et des actions des compagnies encore en circulation : ce remboursement sera terminé au jour de l’expiration des concessions ou même quelques années plus tôt. Chaque fois qu’une obligation sort à un tirage, le capital en est rendu au propriétaire, lequel n’a désormais plus rien à réclamer à la compagnie. Les actionnaires dont les titres sont amortis reçoivent le remboursement du capital et un titre appelé action de jouissance, qui leur confère le droit de participer aux bénéfices de la société jusqu’au jour où la concession viendra à terme, ainsi qu’aux produits de la liquidation. À ce moment-là toutes les obligations et toutes les actions ordinaires auront disparu par le remboursement de leur capital. Le réseau ferré de la France appartiendra à la communauté, et l’Etat verra du jour au lendemain entrer dans ses caisses une ressource nette annuelle qui est aujourd’hui déjà d’environ 550 millions et qui aura pu doubler à cette époque[1].

Il serait aussi oiseux que téméraire de vouloir discuter aujourd’hui ce chiffre, peut-être fort éloigné de ce que l’avenir nous réserve et que mille circonstances extérieures ou intrinsèques modifieront dans une proportion impossible à prévoir. La valeur si variable de l’argent est à elle seule un facteur susceptible de bouleverser les calculs que nous essaierions de faire à soixante ans d’échéance. Mais il n’en est pas moins probable que les revenus des chemins de fer constitueront encore à cette époque une richesse appréciable. La question se posera de savoir quel emploi il conviendra d’en faire. L’opinion publique réclamera tout d’abord des abaissemens de tarifs. C’est alors que la distinction entre les deux élémens constitutifs des prix du voyage deviendra intéressante : l’Etat pourrait renoncer à exiger le péage, puisque

  1. Les six grandes compagnies encaissent environ 1 134 millions de recettes brutes sur lesquels les frais d’exploitation absorbent environ 590 millions. Il en résulte une recette nette de 544 millions, laquelle est consacrée, plus une centaine de millions versés par l’État à titre de garantie d’intérêt, au service des intérêts, dividendes et amortissement des actions et obligations.