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Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 126.djvu/90

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grand train de maison, sans aucun raffinement ni confortable, avec le nombre prodigieux de domestiques, de dépendans, de cliens, de parasites, avec l’hospitalité abondante et sans discernement, les énormes festins, entraînait un vaste gaspillage ; de produits et l’inutilisation d’une grande quantité de forces humaines. Il n’y a là aucun exemple à suivre.


III

Tout autre est le luxe des peuples civilisés, intelligens, judicieux et prospères. Il est plus tourné vers le confortable ou l’élégance et les jouissances artistiques que vers la magnificence et la somptuosité. Il embrasse et pénètre toute la vie, il s’étend à des degrés différens sur toutes les classes du peuple ; il se signale par l’usage de marchandises infiniment plus variées, et, pour chacune d’elles, par un nombre de plus en plus considérable de qualités. Le luxe des temps industriels et florissans, où la production de la richesse dépasse d’une manière constante les nécessités de la vie, prend une direction plus naturelle. Il s’accommode aux habitudes démocratiques qu’il a contribué à introduire. Au lieu de s’encombrer d’un grand nombre de domestiques, de cliens et de parasites, on n’a autour de soi que le nombre de gens nécessaires pour un bon et prompt service ; en revanche on commande à des ouvriers et à des artisans du dehors, indépendans, des objets coûteux : ces hommes habiles forment bientôt une classe honorée, celle des artistes. On abandonne les distinctions extérieures, les perruques, la poudre aux cheveux, de même que les vastes installations permanentes : les églises particulières, les théâtres particuliers, les manèges particuliers ; on renonce aux coûteux jardins à la française ou à l’italienne, avec d’énormes pièces d’eau artificielles, des rochers et des ruines factices ; non seulement on n’entretient plus auprès de soi des nains et des bouffons, mais on se garde même d’attacher constamment à sa personne des hommes d’une profession utile pour un service intermittent. On n’a plus son barbier, son médecin, son aumônier à demeure. Il n’y a que les gens arriérés ou dans des circonstances spéciales qui aient chez eux un précepteur pour leurs enfans.

Le luxe de ces temps prospères et démocratiques pénètre, par des gradations multipliées et infinies, toutes les classes du peuple ; puis, se composant d’objets durables, d’arrangemens permanens, il accompagne tout l’ensemble de la vie. Ce qui le caractérise, c’est la variété et l’élégance des objets nécessaires ou habituels. La propagation de ce luxe dans toutes les couches de la