population est aidée par les connaissances techniques qui permettent la substitution d’une matière moins coûteuse à une qui l’est davantage ; on peut ainsi mettre à la disposition des personnes d’une aisance modeste bien des objets réservés autrefois aux classes supérieures : ainsi le plaqué, le ruolz, remplacent l’argent ; la galvanoplastie, la ciselure ; la lithographie, la photographie, tiennent lieu de la gravure ou de la peinture ; les papiers peints, inventés en France vers 1760, font l’office de tapisseries. Les étoffes mi-partie de coton et de soie ou de déchets de soie donnent l’illusion de soieries ; le tulle et la gaze, de dentelles. Des matières nouvelles, le nickel, l’aluminium, facilitent la possession de montres, de pendules, d’objets divers d’une apparence élégante et peu coûteuse. Le perfectionnement des arts mécaniques y aide. Tout s’imite, même les perles, les diamans.
Ce genre de luxe qui consiste à varier la vie, à la décorer et l’embellir, à pousser l’homme au soin de sa demeure et de sa personne, n’a en soi rien d’immoral. Il a de bons usages économiques et domestiques. Il pousse aussi à un genre d’épargne : tel qui n’aurait pas épargné pour ses vieux jours le fait pour acheter une montre en or, ou une chaîne, ou un mobilier décent.
Le goût de la variété est l’un des traits caractéristiques du luxe des peuples industriels et prospères. La variété dans la nourriture, dans le vêtement, l’ameublement, même dans les distractions, est un excellent stimulant à l’industrie, un obstacle à l’engourdissement de l’esprit de l’homme. C’est en même temps un des besoins les plus vifs de la nature humaine, un des charmes licites de la vie.
On ne saurait croire combien cette variété manquait aux peuples il y a quelques siècles. La si vivante description que fait Macaulay des mœurs des Anglais du temps de la Révolution témoigne que, à la fin du XVIIe siècle, chez ce peuple déjà riche, l’usage de la viande fraîche n’était habituel qu’une ou deux fois la semaine. Le seigle a été pendant longtemps la céréale la plus répandue en Europe. Sur les biens de l’évêque d’Osnabruck, au XIIIe siècle, on ne produisait que 11 à 12 mesures de froment, contre 300 de seigle, 120 d’orge et 470 d’avoine. La bière au début du moyen âge était faite avec ce dernier grain. Aujourd’hui encore la répartition de la production entre les différentes céréales est tout autre en France, pays riche, et en Allemagne, pays qui ne fait que de commencer à s’enrichir, au sens moderne du mot. La superficie cultivée en seigle était en Allemagne en 1891 de 5 479 977 hectares et celle en froment de 1885 284 seulement ; quant à la production, elle fut dans la même année de 47 828 040