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LE
MÉCANISME DE LA VIE MODERNE

III.[1]
LES ETABLISSEMENS DE CRÉDIT

Un phénomène contemporain est le changement d’attitude de l’argent vis-à-vis des autres marchandises. Les rapports entre vendeurs et acheteurs sont très différens, de nos jours, de ce qu’ils étaient dans le passé. Il semblait jadis que le « vendeur », c’est-à-dire celui qui reçoit de l’argent en échange d’un objet quelconque, fût l’obligé de l’ « acheteur », de celui qui donne de l’argent en paiement de cet objet. Il n’en est plus de même aujourd’hui : l’argent sa nivelle à son rang de marchandise. Le fait est saillant dans les relations du patron et de l’ouvrier, dont l’un achète et l’autre vend du travail. La législation, les mœurs surtout, concédaient ici au propriétaire d’argent une prééminence qu’il a perdue. Idéalement, le veau d’or, symbole de la richesse, continue d’avoir son autel ; pratiquement, il est forcé d’en descendre, pour aller chercher sa pâture. Encore ne mange-t-il pas toujours à sa faim.

Les prêtres attachés au service de cette idole, les banquiers, dont la profession passait pour la plus lucrative et tirait une sorte d’éclat de sa familiarité avec les métaux vénérés, sont désormais au nombre des moins favorisés de tous les commerçans. Leurs

  1. Voir la Revue des 15 juillet et 1er octobre 1894.