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Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 127.djvu/167

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possèdent d’excellentes races de chevaux, sans élégance, mais d’une vigueur et d’une résistance à toute épreuve. Ils sont de mœurs douces et vivent uniquement de la vie pastorale. Ils ne font aucune culture et ils n’ont jamais construit aucune ville. Sans cesse ils déplacent leurs aouls, villages portatifs, composés, comme ceux des Turkmènes, de tentes de feutre en forme de ruches. Leurs troupeaux de chevaux, de moutons, de chameaux, de chèvres, quelquefois de bœufs ou de yaks, constituent toute leur richesse. Très philosophes et d’un esprit singulièrement pratique, ils ont mieux aimé se donner volontairement à la Russie que de subir le désagrément de la guerre. Aussi chacun des petits groupes qu’ils constituent a-t-il conservé, en récompense, une autonomie administrative et notamment, en général, le droit d’élire ses chefs à son gré.

Les Kara-Kirghiz, ou Kirghiz de montagne, ressemblent beaucoup aux Kirghiz de la plaine, mais ils sont plus forts, plus robustes, plus anguleux, et d’une taille plus grande ; si l’on tient compte surtout de la brièveté de leurs jambes, on voit que leur buste est construit sur un modèle vraiment colossal. Ils sont plus guerriers que les Kirghiz de plaine, et, à maintes reprises, ils ont imposé leur joug à d’autres nations. Mais ils n’ont guère fait que piller des royaumes, ou les servir comme mercenaires, sans pouvoir organiser nulle part une domination durable.

Les Kara-Kirghiz ressemblent en somme, pour l’œil d’un observateur français, à des Mongols fortement mâtinés d’Auvergnats. Ce sont des montagnards intrépides et infatigables. Ils sont bien distincts des Kalmouks, autre peuple pasteur dont l’habitat est plus oriental, et dont certaines tribus, dans le voisinage du grand lac Issyk-Koul, se mélangent avec les leurs.

Telles sont, dans leurs traits superficiels, les trois grandes familles ethniques qui se partageaient la Grande-Boukharie avant que la conquête russe vînt leur imposer à toutes l’autorité du tsar blanc.

Les ethnographes ont établi parmi les nomades altaïques un grand nombre de coupes génériques dans le détail desquelles nous n’entrerons pas, car la nomenclature en est inextricable, et la classification n’en est encore rien moins que certaine.

À ces races principales, il faut, si l’on veut avoir une idée exacte de la population qui s’agite dans les grands centres du Turkestan, en joindre d’autres qui ne sont représentées que par des individus ou par de petits groupes isolés, sans existence politique propre à savoir les Dounganes et les Tarantchis venus de Chine, les Indiens et les Afghans venus du sud, et même les Juifs. Ces derniers, localisés presque uniquement à Boukhara,