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les Russes, des forts d’Irghiz, de Tourgaï et de Karaboutak, dans la steppe kirghize. Le chef des Kiptchaks, Moussoulman-Koul, tuteur du khan de Kokan, fit occuper par les Kokanais toute la vallée du Syr-Daria et y fit construire des forts, dont le principal, Ak-Metched (la Mosquée blanche), fut placé sous les ordres de Yakoub-beg, le même qui devait devenir plus tard sultan de la Kachgarie, et qui n’était alors qu’un simple officier du khan de Kokan. En 1852, celui-ci repoussa une expédition russe ; mais l’année suivante, le 17 décembre 1853, le général Perovsky prenait Ak-Metched, qui devint la ville russe de Perovsk. En 1848, les Russes s’emparaient de Djoulek, à 95 kilomètres plus au sud en remontant l’Iaxartes. En 1861, ils enlevaient et rasaient la forteresse kokanienne de Yani-Kourgan, à 97 kilomètres plus au sud. En 1864, les Russes, avançant de deux côtés à la fois, par la vallée du Syr-Daria et par le Semiretchinsk, occupèrent d’un côté la ville de Ilazret, qui reçut le nom de Turkestan, à 120 kilomètres au sud de Yani-Kourgan, et, de l’autre, l’importante oasis d’Aoulié-Ata, sur le Talas. Au mois de septembre, le colonel Tcherniaieff s’empara de Tchimkent. Alim-Koul, le chef des Kiptchaks, qui avait succédé à Moussoulman-Koul comme régent du Kokan, marcha en personne contre les Russes avec 40 000 hommes. Il fut battu le 9 mai 1865, sous les murs de Tchimkent, par Tcherniaieff, qui ne disposait que de 900 hommes et de douze pièces de canon. Puis, par une marche hardie de 150 kilomètres vers le sud, celui-ci se porta rapidement, malgré les ordres formels venus de Saint-Pétersbourg, sur la grande ville de Tachkent, qu’il emporta en une journée, avec des pertes insignifiantes, en dépit de l’obstacle, formidable en apparence, que constituait une oasis de 7 000 hectares, coupée en tous sens de murs en terre et de profonds canaux, autour d’une ville de 150 000 habitans, défendue par 400 canons, d’ailleurs fort variés comme système et presque tous hors de service.

Tcherniaieff, installé, avec le titre de gouverneur, à Tachkent, dont il fit la capitale du Turkestan russe, continua les opérations l’année suivante. Mais il fut bientôt rappelé et remplacé par le général Romanovsky, lequel eut à faire face à l’émir de Boukhara, Mouzaffar-ed-din, qui s’était déclaré l’allié et le protecteur du khan de Kokan. Romanovsky remporta sur les Boukhares deux succès signalés, et recula les frontières de l’occupation russe jusqu’à cent kilomètres au nord de Samarkande. La bataille décisive eut lieu à Irdjar, entre Tachkent et Samarkande ; 3 500 Russes y mirent en complète déroute 40 000 Boukhares. Mais Romanovsky ne fit que passer au pouvoir et fut remplacé par le général Kauffmann, qui resta en fonctions comme