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transcaspien, que dirigeait le général Annenkoff. Après la mort de Nour-Verdy, une première campagne de construction amena la tête du chemin de fer transcaspien jusqu’à Kizil-Arvat, et Skobeleff enleva de vive force la forteresse de Geok-Tépé, où s’étaient retranchés 30 000 Turkmènes. Ce fait d’armes, suivi d’un massacre qui désorganisa la résistance, mit fin à la guerre et permit aux Russes d’annexer le pays des Tekkés et des You-mouds, qui forma, sous le nom de Transcaspienne, une province russe rattachée au Gouvernement général du Caucase. Askhabad en devint la capitale.

En 1884, le colonel Alikhanoff s’empara, à lui seul, de l’oasis de Merv, après s’être fait aimer de la veuve de Nour-Verdy. Quelque temps après, il se rendait maître, non moins rapidement, de la ville de Seraks. Les avant-postes russes se trouvèrent ainsi portés jusqu’aux frontières d’Afghanistan, et le chemin de fer transcaspien fut poussé jusqu’à Tchardjoui, c’est-à-dire jusqu’à l’Oxus. De 1885 à 1887, une troisième section de la ligne fut construite à travers les États de l’émir de Boukhara, de Tchardjoui à Samarkande, qui se trouva ainsi atteinte de deux côtés à la fois. La conquête du Turkestan était terminée et la frontière naturelle de l’Hindou-Kouch et des monts Célestes, qui, se rattachant au nœud central du Pamir, séparent la Grande-Boukharie de la Chine et de l’Iran, était atteinte partout, sauf au sud du Turkestan afghan, dont la conquête parut un instant imminente, mais fut arrêtée par l’intervention de l’Angleterre. Même après l’ouverture des négociations pour la délimitation russo-afghane, provoquée par la Grande-Bretagne, la conquête du Turkestan afghan faillit avoir lieu, à la suite du brillant combat de Kouchka, livré par le général Komaroff, et où 700 Afghans restèrent sur le terrain. Des ordres supérieurs venus de Saint-Pétersbourg arrêtèrent le vainqueur, qui n’avait pu auparavant couper le télégraphe, comme avait fait le général Tcherniaïeff avant la prise de Tachkent. La Russie subit aujourd’hui la conséquence de cet arrêt. Elle n’a pas encore conquis, du côté du sud, ses frontières naturelles.

Nous ne parlerons ici que d’une façon incidente de la conquête de la province de Kouldja, qui ne rentre qu’indirectement dans le cadre de cet article, les résultats n’en ayant pas été définitifs au point de vue des limites de l’empire russe. La province de Kouldja, constituée par la partie supérieure du bassin du fleuve Ili, et qui, au dire de beaucoup, est le pays le plus riche de toute l’Asie centrale, fut conquise par les Russes sans effusion de sang et d’une façon progressive, comme l’avait été le pays des Kirghiz orientaux. La région, qui, depuis longtemps, ne reconnaissait plus que d’une