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marchés, etc., sont considérables et constituent le plus clair des revenus de l’émir.

L’influence de la Russie se fait d’ailleurs sentir d’une façon énergique et constante pour modifier l’ancien état de choses et le régulariser. Cette action est très bienfaisante au point de vue de la civilisation, de la richesse du pays, du développement du bien-être et de la sécurité des personnes, ainsi que de l’extension du commerce. En revanche, comme cela était inévitable, le point de vue artistique est sacrifié ; ce royaume exotique, si longtemps indépendant de la civilisation européenne, se transforme à vue d’œil et, depuis dix ans, il a beaucoup perdu sous le rapport du pittoresque.

Chacun des trois gouvernemens qui composent le gouvernement général du Turkestan a pour chef un gouverneur qui est habituellement un lieutenant général (général de division), assisté d’un sous-gouverneur qui est ordinairement un major général (général de brigade). Il se divise en districts (ouyezd), dont chacun est administré par un colonel ou un lieutenant-colonel assisté d’un officier adjoint. Ces districts ont beaucoup d’analogie avec les cercles du territoire militaire algérien, administrés, comme on le sait, par un officier supérieur, colonel, lieutenant-colonel ou chef de bataillon. Cette analogie est rendue encore plus complète par cette circonstance qu’en Russie le grade de chef de bataillon n’existe pas, ou plutôt que c’est à ce grade même que correspond le titre russe de pod-polkovnik, que l’on traduit en français, plus littéralement qu’exactement, par lieutenant-colonel. Ces districts se divisent en circonscriptions, dont chacune est dirigée par un officier, ayant les attributions d’un chef de bureau arabe, et portant le titre de commissaire (pristav).

Le gouvernement du Syr-Daria comprend cinq ouyezd : Tachkent, Tchimkent, Kazalinsk, Pérovsk, Aoulié-Ata. Le gouvernement du Zérafchane en compte quatre : Samarkande, Katti-Kourgane, Djizak, Khodjent. Le gouvernement du Ferganah en renferme cinq : Marghelan, Kokan, Andidjan, Namangan, Och.

Tout cela est, en somme, très analogue, au point de vue du plan administratif, à l’ancienne organisation militaire de l’Algérie, qui fonctionne encore dans la partie méridionale de cette colonie.

Le gouvernement général du Turkestan et le khanat de Boukhara comprennent ensemble la région que l’on appelait au moyen âge la Transoxane ou Transoxiane, c’est-à-dire le Maouar-en-Nahar des Arabes, avec une partie du Kharysme. C’est, en somme, tout le pays qui, dans l’antiquité, s’étendait entre l’Oxus et les monts Imaüs, à savoir : la Bactriane, la Sogdiane et une partie de l’ancienne Scythie asiatique en deçà de l’Imaüs, ou pays des Massagètes.