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LA RENAISSANCE LATINE
GABRIEL D'ANNUNZIO : POEMES ET ROMANS

POÉSIES : Intermezzo di rime, 1883 ; — Elegie romane, 1887-1891 ; — Poema paradisiaco, Odi navali, 1891-1893. — ROMANS : Il Piacere, 1889 ; — Giovanni Episcopo, 1891 ; — L’Innocenti ; 1892 ; Trionfo della Morte, 1891.

Je dois le titre de cette étude à l’obligeance de M. Jules Lemaître. On a lu dans la dernière Revue l’article intéressant et patriotique où il défendait la supériorité de l’esprit gaulois contre les génies conjurés du Nord. Notre champion se dressait vaillamment devant la quadruple alliance des Saxons et des Germains, des Scandinaves et des Russes ; il renvoyait aux bruines de la neigeuse Thulé ces envahisseurs qui, depuis tantôt un siècle, depuis Mme de Staël jusqu’à nos contemporains, ont trouvé des complicités dans la place et fait dans notre esprit classique la brèche toujours élargie par où passèrent tour à tour le romantisme, le réalisme, le symbolisme, bref toutes les variétés de l’exotisme. L’exotisme coule à pleins bords, gémirait l’estimable M. Royer-Collard, s’il revenait constater le discrédit de ses doctrines chez les jeunes disciples d’Herbert Spencer ou de Frédéric Nietzsche. Et voyez quelle malechance pour notre orgueil national : il n’y a qu’une raison très forte à opposer aux gens qui veulent voir dans le romantisme français un produit des influences étrangères ; c’est que tout notre romantisme est en germe dans Rousseau. Or, ce diable d’homme, père authentique de Bernardin et de Chateaubriand, grand-père de George Sand et des autres, ne s’avisa-t-il pas d’être Suisse ? N’arriva-t-il pas dans notre tradition française avec une physionomie étrangère très caractérisée, déjà septentrionale par plus d’un trait ? L’aveu est cruel : mais, pour nous défendre contre le reproche d’intoxication allemande