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Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 127.djvu/237

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déclarations platoniques : lorsqu’on vient au fait, c’est-à-dire au scrutin, les voix des socialistes se confondent presque toujours avec celles de M. Brisson et de M. Bourgeois.

Ils sont l’un et l’autre partisans de la concentration républicaine, et, comme ils ne peuvent pas compter, pour les appuyer, sur les groupes modérés de la Chambre, l’appoint des socialistes est indispensable à leur majorité, à supposer qu’ils puissent en avoir une. Ils traitent les socialistes comme le gouvernement a quelquefois traité les ralliés, auxquels il disait si fièrement qu’il n’avait pas besoin de leurs voix et qu’il ne les sollicitait pas. Cela n’empêchait pas les ralliés de les donner modestement et le gouvernement de les prendre, car, s’il ne les avait pas prises, il aurait été renversé. Qu’on le veuille ou non, il n’y a que deux majorités dans la Chambre, ou une majorité modérée comprenant les ralliés, ou une majorité radicale comprenant les socialistes. La seule différence est que les ralliés ne demandent rien et que les socialistes exigent tout. Pour revenir au fait le plus important de la quinzaine, M. Brisson a été élu président contre M. Méline à une majorité de 36 voix. Il n’est pas socialiste, soit ! mais si les socialistes n’avaient pas voté pour lui, il n’aurait pas été élu. Et il en sera de même le 8 janvier. Bien qu’il ait expulsé M. Jaurès, les socialistes continueront de lui donner toutes leurs voix, et nous sommes convaincu que, si M. Jaurès lui-même pouvait voter à la rentrée, il voterait encore pour lui. M. Jaurès n’est-il pas allé récemment à Bruxelles supplier M. Henri Rochefort d’oublier ses griefs personnels contre M. Gérault-Richard et de recommander ce candidat aux électeurs du XIIIe arrondissement de Paris ? Ses amis, à leur tour, lui demanderaient d’oublier ses griefs contre M. Brisson, et il s’empresserait de le faire. A. défaut d’autre mérite, les socialistes ont assez d’esprit politique pour comprendre la nécessité de la discipline de parti : à cet égard, ils donnent au centre un exemple dont celui-ci ferait bien de profiter.

Il y a, en effet, un nombre assez considérable de républicains modérés qui ont voté pour M. Brisson à la présidence de la Chambre. Parmi eux, beaucoup sont des députés nouveaux auxquels on avait dit que M. Brisson présidait fort bien, et que son concurrent, M. Méline, manquait de la force physique nécessaire pour dominer le tumulte dans les momens difficiles. M. Brisson et M. Méline ont été autrefois présidens l’un et l’autre : on a donc pu comparer leurs qualités professionnelles, et le premier a dû en grande partie sa victoire à la supériorité relative qu’on attribuait aux siennes, ce qui diminue l’importance purement politique de cette victoire. De plus, M. Brisson s’est tenu un peu à l’écart depuis le commencement de la session actuelle. Les animosités qu’on a pu avoir autrefois contre lui se sont en partie apaisées. L’homme de lutte s’est effacé, on n’a vu que le vieux républicain qui,