par la parfaite probité de toute son existence, est digne de l’estime universelle. M. Méline, lui, ne s’est jamais jeté avec beaucoup d’ardeur au milieu des luttes politiques ; mais on sait le rôle prépondérant qu’il a joué dans toutes les questions douanières. Il est l’incarnation du protectionnisme. S’il a satisfait un certain nombre d’intérêts, il en a indisposé beaucoup d’autres. Sa personne n’a pas d’adversaires, mais sa doctrine économique en a de très ardens. Il s’est enfermé dans la commission des douanes comme dans un château fort où l’on ne sait pas très bien ce qui se passe, et beaucoup n’y songent pas sans anxiété. Il fait de là quelques sorties brusques et imprévues, qui n’ont pas été toujours heureuses et dont on lui a gardé rancune. On a eu beau dire et répéter que l’élection du président de la Chambre était un acte politique et non pas économique, M. Méline a perdu quelques voix qu’aurait pu obtenir un autre candidat modéré. Il faudrait connaître à fond la psychologie du Parlement pour savoir dans quelles proportions diverses ces causes ont agi sur l’élection présidentielle : toutefois, et en dépit des apparences, on ne peut pas dire que cette élection soit une véritable victoire des radicaux, puisqu’ils n’ont certainement pas été les seuls à y contribuer.
M. Brisson, en montant au fauteuil présidentiel, a prononcé un discours plein de convenance : on a trouvé seulement que, dans le passage consacré à son prédécesseur, M. Burdeau, il avait trop célébré le soldat et n’avait pas assez parlé de l’homme politique. M. Burdeau s’est engagé pendant la guerre, à l’âge de dix-neuf ans ; il a rempli très courageusement son devoir, et il a été décoré ; mais ce n’est pas pour ce motif qu’on lui a fait des funérailles aux frais de l’État ni qu’on a donné une pension à sa veuve et à ses enfans. À ce point de vue, le discours de M. Brisson a manqué de proportions. Au surplus, ce n’est pas sur cette manifestation oratoire qu’on peut juger un président de la Chambre des députés. M. Brisson a eu à présider, depuis, un certain nombre de séances : une d’entre elles a eu un caractère particulièrement passionné. La Chambre, comme le pays tout entier, était sous le coup de la pénible émotion produite par le procès et par la condamnation du capitaine Dreyfus. Un officier de l’armée française, attaché à l’état-major général, avait été accusé, puis convaincu du crime de trahison. Les détails de l’affaire étaient ignorés : par une sage mesure de prudence, elle s’était déroulée judiciairement à huis clos. Mais le jugement, si formel quant à l’existence du crime puisque l’unanimité des juges l’attestait, a paru insuffisant quant à la peine prononcée.
Certes, il n’y a pas de crime plus abominable que celui d’un officier qui communique à l’étranger des pièces intéressant la défense nationale. On fusille de malheureux soldats qui, dans un moment d’égarement, injurient ou frappent leurs chefs ; on guillotine des assassins qui n’ont tué qu’une personne : l’acte de l’officier traître envers sa patrie est au-