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Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 127.djvu/352

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rations. Il voulait distribuer à l’armée quatre jours de vivres. Il chercha autour de la ville un emplacement qui assurât à la fois sa défense s’il était attaqué durant sa halte, et la liberté de sa marche quand il tenterait de la reprendre.

A l’est et à quatre kilomètres de Sedan, près de Bazeilles, la rivière de Givonne, qui descend droit des Ardennes et coule du nord au sud, rejoint la Meuse. A trois kilomètres à l’ouest de Sedan, une autre rivière, celle de Floing, coupe aussi de son embouchure la rive droite du fleuve. Tracée du nord-est au sud-ouest, la vallée de cet affluent remonte vers celle de la Givonne : à Illy, village sis à cinq kilomètres au nord de Sedan et source du Floing, les deux rivières ne sont distantes que d’un kilomètre. Trois vallées délimitent ainsi un triangle fermé de toutes parts, sauf à son sommet nord : là, un plateau qui s’élève et se rétrécit entre les deux rivières donne accès ouvert aux terrains qui joignent la forêt des Ardennes. Mac-Mahon jugea la place bonne. Au sud, la Meuse opposerait son large obstacle au gros des forces allemandes si elles en tentaient le passage. A l’est, derrière le ravin encaissé de la Givonne, il pouvait arrêter les troupes qui auraient suivi sa retraite par la rive droite de la Meuse. A l’ouest, le vallon de Floing, bien que marécageux, eût offert un plus faible abri ; mais lui-même se trouvait couvert par une boucle de la Meuse qui, montant au nord jusqu’en face d’Illy, pour redescendre au sud jusqu’en face de Sedan, enserre la presqu’île d’Iges, protège tout ce front d’un double fossé, et reprend seulement à Donchery sa direction normale. Pour parvenir jusqu’à lui de ce côté, il fallait que l’adversaire passât à Donchery le seul pont construit entre Sedan et Mézières, et qu’il remontât au-dessus de la boucle pour tourner à la fois par Illy tous les obstacles. Le sommet de la boucle touchait presque à la forêt des Ardennes, que le maréchal savait mal percée et impénétrable à des corps nombreux. Par suite, l’attaque serait étranglée dans un étroit couloir, et dominée par les hauteurs de la défense. Pour contenir là l’ennemi sans qu’il pût se déployer, il suffirait de garnir de troupes et de canons l’angle nord du triangle et surtout le mamelon surmonté d’une croix qu’on nomme le Calvaire d’Illy.

La sortie ne semblait pas moins facile. Deux routes qui franchissaient la Givonne, l’une à Bazeilles, l’autre à mi-côte, conduisaient à l’est dans la direction de Montmédy. A l’ouest la grande route qui relie Sedan à Mézières longeait la rive gauche de la Meuse et par suite était dans la zone ennemie, et le chemin de fer, bien que placé sur la rive droite, la borde de si près qu’il se trouvait sous le l’eu des Allemands : mais une autre route, nouvellement tracée, passait au nord de la presqu’île d’Iges, de là suivait les hauteurs et