Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 127.djvu/423

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Corinthiens, 10-24.) Wilberforce recopierait aussi tout au long le beau passage sur la charité ; et il faut entendre aussi par là la charité pour la patrie souffrante et pour l’infortuné monarque. Il recopierait le chapitre XIII de la 1re épître aux Corinthiens et surtout le verset 4 : « La charité est patiente, elle est pleine de bonté. La charité n’est point envieuse. » Et le verset 7 : « Elle excuse tout, elle croit tout, elle espère tout, elle supporte tout. » Et enfin le verset 1 du chapitre VIII : « L’amour rend meilleur. »

Schön était accablé de citations bibliques. Peut-être bien Stein eût-il pu en réserver quelques-unes à son usage : l’amour pour l’infortuné monarque, l’amour qui tolère tout et qui rend meilleur n’était point son fait. Mais il subordonnait tout, à cette heure, à un espoir chimérique de libération de la Prusse et de l’Allemagne. Il voyait en Hardenberg un instrument ; il était tout prêt à passer sur les imperfections du programme financier, et à ne point attribuer à celui-ci le caractère d’une profession de foi inébranlable. Il n’y cherchait pas, comme Schön et Niebuhr, un prétexte à opposition ; il ne demandait pas mieux que de collaborer à l’améliorer.

Cette collaboration, Hardenberg avait été fort empressé à la rechercher. Très peu après son avènement, à la fin de juin ou au commencement de juillet, il avait fait communiquer son programme, déjà modifié, à Stein par le conseiller d’Etat Kunth. Stein avait reçu en même temps des lettres des amis très chauds et très fidèles qu’il avait laissés derrière lui à Berlin : du comte Arnim, de Sack, de Schön, de Niebuhr et de Spalding, qui tous lui envoyaient leurs impressions sur le nouveau ministère, sur le chancelier et sur sa politique[1].

Stein répondit, nous l’avons vu, en blâmant explicitement l’opposition de Schön et de Niebuhr ; et tout en critiquant le programme de Hardenberg, il indiqua les modifications dont il lui paraissait susceptible. Hardenberg, très heureux de l’appui qu’il trouvait de ce côté, et qui ne lui était pas inutile pour faire face à une opposition grandissante, eut aussitôt la pensée de se réserver une entrevue personnelle avec Stein.

Stein accepta ; il avait alors plus d’un point de contact avec le chancelier. Ce n’était point seulement le souvenir d’une collaboration politique récente ; c’était surtout l’espoir que Hardenberg devînt l’instrument de l’indépendance nationale[2] ; c’est aussi qu’il retrouvait chez le chancelier l’idée qui avait été le principe de sa propre politique intérieure, l’idée de régénérer l’Etat prussien par des réformes sociales et politiques.

  1. Pertz, Stein’s Leben, II, p. 486.
  2. Hausser, Deutsche Geschichte, III, p. 489.