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Hardenberg se proposait d’instituer, l’instruction que celui-ci lui avait demandée. C’était, avec plus de précision et d’étendue, la reproduction du programme financier de Hardenberg. Toute la partie sociale des réformes projetées par le chancelier y était cependant indiquée avec plus de netteté et mieux définie. On y trouvait rappelée, après l’indication des nouveaux impôts à établir, la nécessité de soumettre à l’impôt foncier toutes les parcelles qui y avaient jusqu’alors échappé, les terres nobles qui dans certaines provîntes y demeuraient soustraites. Certains paragraphes de l’instruction se rapportaient même à des matières nullement financières, aux plus graves questions de l’organisation sociale, aux relations des seigneurs et des tenanciers, à l’organisation administrative du cercle et de la commune rurale, à la suppression des charges féodales, même au projet de représentation nationale.

Enfin on y sentait percer ce besoin d’uniformité, de régularité, d’unité nationale auquel le provincialisme et la constitution féodale de la Prusse donnaient si peu de satisfactions.

Il faut s’arrêter un instant ici parce que, dans ces projets de Hardenberg que les historiens prussiens nous présentent comme si mobiles et si peu mûris, on sent et l’on prend sur le fait la copie de la centralisation française.

Ce fut le 11 juillet que la commission soumit à Hardenberg les projets qu’elle avait élaborés. Dix-neuf jours pour préparer toute une législation financière nouvelle, c’était peu pour des hommes expérimentés sans doute, mais qui n’étaient point de premier ordre. Hardenberg n’avait point à se plaindre pour cette fois des lenteurs administratives. Une semblable précipitation eût même été inexplicable si le programme de Hardenberg et de la commission eût été autre chose qu’un décalque de l’organisation financière française, ou, pour parler plus exactement, de la nouvelle législation westphalienne[1].

Hardenberg avait gardé les relations les plus étroites avec son cousin Bulow, qui avait collaboré à l’organisation financière du royaume de Westphalie, et l’un des membres de la commission, Borsche, venait de quitter le service westphalien pour le service prussien[2].

L’organisation administrative et financière de la France, legs de la vieille monarchie centralisée, s’était merveilleusement prêtée, précisément parce qu’elle était un instrument de centralisation, à l’œuvre de rénovation de la Révolution française et à l’application des idées d’égalité civile et démocratique. Cette

  1. Treitschke, Deutsche Geschichte, I, p. 371.
  2. Karl Mamroth, Geschichte der preussischen Slaats-Resteuerung, p. 187, 202, 217, 222.