Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 127.djvu/428

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

s’ils étaient des radicaux, comme Schön, ne savaient pas mettre d’accord leurs théories radicales et leurs préférences anglaises, ou bien, comme Stein, demeuraient malgré tout des féodaux mitigés d’esprit moderne et des partisans consciens ou inconsciens du régime oligarchique. Ces diverses tendances d’opinion apparaissent très clairement dans les projets qui furent alors dressés pour le remaniement du système des impôts en Prusse.

Le projet que la commission de Hardenberg avait si rapidement élaboré n’était que la reproduction des mesures prises en Westphalie[1]. Dans sa proclamation du 15 décembre 1807, le roi Jérôme disait à ses peuples : « Eloignez de vos pensées le souvenir de ces souverainetés divisées, derniers restes de la féodalité, où chaque motte de terre avait un maître distinct. » Et Hardenberg, dans l’un de ses programmes financiers, insistant sur la nécessité de fondre et de transformer en une dette d’Etat toutes les dettes provinciales, disait de son côté : « Nous voulons non pas perpétuer le provincialisme, mais fonder le nationalisme. »

Le roi Jérôme et Bülow, ce cousin dont Hardenberg suivait les inspirations, avaient proclamé la nécessité de faire disparaître tous les privilèges, toutes les exemptions de l’impôt foncier. Ils s’étaient résolus à introduire, avec la liberté du commerce, l’impôt des patentes français, avec ses classes, qui était partout bien accueilli[2]. Ils adoptèrent de même l’impôt français du timbre. Ils portèrent enfin la hache dans cette confusion des droits d’accise, de douanes intérieures, pour y substituer un système très simple et généralisé de contributions indirectes portant sur un petit nombre d’objets qui devaient être en Westphalie les objets de consommation usuelle, la viande de boucherie, les céréales, la bière et l’eau-de-vie. C’étaient là précisément les mesures que Hardenberg et la commission proposaient pour la Prusse.

La commission, dans son rapport, ne se bornait pas là : elle touchait à la politique générale ; elle proposait de réduire les dépenses militaires[3]. Elle insistait surtout sur la nécessité de supprimer les privilèges, de faire porter également sur tous les charges nouvelles ; elle appuyait ses propositions d’une citation de Necker. Elle voulait prévenir par des mesures égalitaires les tendances révolutionnaires, et laissait plus clairement encore discerner la source de ses inspirations lorsqu’elle ajoutait :

« La suppression des privilèges est le premier paragraphe de toutes les nouvelles constitutions allemandes (il s’agit de celles

  1. Bornhak, Geschichte der preussischen Verwaltungsrechts, III, p. 175.
  2. Voir l’opposition de Vincke : Hausser, Deutsche Geschichte, III, p. 402. — Bodelschwingh, Vincke’s Leben, I, p. 412.
  3. Lehmann, Scharnhorst, II, p. 341.