Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 127.djvu/431

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’impôt indirect devait être étendu au pays plat. Sur ce point, Hardenberg tenait à ses idées, malgré la résistance de Niebuhr et de Schön, mais avec l’acquiescement de Stein. On trouvait encore dans l’édit l’annonce de mesures nouvelles, telles que la réforme de l’impôt du timbre et rétablissement de l’impôt des patentes, visiblement empruntées à la législation du royaume de Westphalie, — la suppression du privilège de la noblesse en matière d’impôt foncier dans les provinces où cette exemption subsistait encore, — une prompte réfection du cadastre. On y rencontrait enfin l’idée de l’impôt des classes et d’un emprunt forcé, les promesses de réformes sociales telles que la liberté du commerce et la suppression de quelques charges féodales.

Il faut, pour bien préciser le caractère de ledit du 27 octobre 1810, rapprocher ses déclarations de principe des résultats pratiques qui les ont suivies.

L’édit lui-même n’était qu’un programme, une sorte de manifeste comme le gouvernement prussien en prodigua tant durant cette période troublée[1]. Ce n’était point un acte législatif. Il fut toutefois complété dès le lendemain par toute une série de mesures organiques.

Une loi du 28 octobre établit l’impôt somptuaire, une loi un peu postérieure, du 20 novembre 1810, modifia l’impôt du timbre. Enfin une seconde loi, du 28 octobre, datée du lendemain même de ledit et la plus importante de ces lois financières, remania entièrement le système des impôts indirects de la Prusse.

Tout le surplus du programme fut ajourné ; et la législation financière de Hardenberg prit ainsi un caractère tout à fait différent de celui qu’on serait porté à lui attribuer si l’on s’en tenait aux déclarations de principes démocratiques et anti-féodaux que contenait l’édit lui-même.

Pour comprendre cet écart tout à fait sensible entre les principes et les actes, il faut se souvenir que le terrain financier est peu propice aux réformes, surtout aux heures de pénurie comme celles que traversait alors la Prusse. Le système des impôts, en même temps qu’il pénètre par mille voies la vie intime et sociale du peuple, est aussi la base sur laquelle repose l’équilibre des recettes et des dépenses. C’est là surtout que s’applique le primo vivere, deinde philosophari. La nécessité de ressources liquides a plus d’une fois pris le pas sur les velléités de réformes égalitaires. C’est ce qui advint en Prusse en 1810.

L’effort financier le plus considérable s’imposait à l’Etat prussien : ses recettes brutes s’étaient élevées en 1806 à 35 millions

  1. Treitschke, Deutsche Geschichte, I, p. 370. — Dioterici. Zur Geschichte (1er Steuer-Reform in Preussen 1810-12820 p. 21.