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et demi de thalers, soit environ à 133 millions de francs[1]. En 1809, après la tourmente, les ressources que pouvait donner sur son territoire diminué son ancien système d’impôts étaient évaluées à 10 600 000 thalers environ, soit à 40 millions de francs à peine[2]. Et si ses dépenses s’étaient aussi trouvées réduites par la perte de ses provinces, elles étaient loin d’avoir diminué dans la même proportion que ses ressources. Les frais généraux d’un grand État européen s’imposaient toujours à elle, tant qu’elle n’avait point abdiqué. Elle ne voulait point renoncer à l’entretien d’un état militaire important. Nous avons vu au milieu de quelles difficultés financières, de quelles difficultés de trésorerie qui en étaient la suite assez naturelle, Altenstein s’était débattu sans succès, vivant au jour le jour, impuissant à payer les dettes de l’État, et réduit presque au désespoir.

L’effort financier qu’une semblable situation commandait, la Prusse l’a réalisé malgré sa misère.

De ce que les paiemens réguliers de la contribution française n’ont point été repris par Hardenberg, l’on a conclu trop légèrement que sa politique financière avait été un avortement[3]. En réalité, il réserva pour un autre usage les ressources qu’il créa ; mais ces ressources, il les a bien réellement créées. On en jugera facilement par deux chiffres :

Nous avons dit que l’ancien système d’impôts eût donné annuellement, à la Prusse réduite de 1809, 10600 000 thalers. La réforme fiscale porta dès la première année, l’année financière 1811-1812, le rendement de ses impôts indirects seuls de 5 766 000 thalers à 12 237 000, soit de 22 millions à 46 millions de francs[4]. Il fut plus que doublé. Et jusqu’à la fin de 1816, la plus-value moyenne annuelle fut de 7111990 thalers, soit environ 27 millions de francs, 67 pour 100 environ des ressources normales de 1809. La politique financière de Hardenberg fut donc des plus fructueuses. L’effort financier fait par l’État prussien au moment de son abaissement le plus profond est un effort relativement énorme et qui n’a peut-être pas beaucoup de précédens. Mais si le résultat financier des mesures prises par Hardenberg fut considérable, ce fut aux dépens de leur portée sociale. Ce n’est point là qu’il faut chercher le caractère démocratique de l’œuvre de Hardenberg. C’est ce qui nous reste à indiquer brièvement.

  1. Karl Mamroth, ibid., p. 36. — Warschauer, Zur Geschichte der Staats-Anteihen in Preussen von 1786-1870.
  2. Treitschke, Deutsche Geschichte, I. p. 377, 381.
  3. Ces chiffres sont extraits des tableaux donnés par Karl Mamroth, Geschichte der preussischen Staats-Besteuerung, p. 51 et suiv. Le dernier chiffre de 46 millions de francs comprend 14 millions de francs environ provenant du blocus continental.
  4. Karl Mamroth, Geschichte der preussischen Staats-Besteuerung p. 23.