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vocables scientifiques. Les premiers Européens qui en virent ne firent pas différemment.

Lorsque le chanoine espagnol Hernandez offrit son livre sur la Flore du Mexique à l’Académie des Lincei de Rome, celle-ci, pleine d’admiration devant la fleur d’un Anguloa, la prit pour emblème de l’Académie. « Les Lincei de Rome, dit Bateman, avaient choisi cette fleur de préférence aux autres, parce que, — outre sa forme singulière, — elle était tachée comme un lynx, animal auquel on attribuait autrefois une vue très perçante et telle que doit être celle d’un naturaliste. »

Dans les anciennes possessions de l’Espagne, au Mexique, par exemple, et actuellement dans une de ses plus belles colonies, les îles Philippines, chaque fleur d’Orchidée a également sa signification. Pas une d’elles qui n’exprime un sentiment ; les gens pieux en décorent les autels ; les amoureux en envoient à leurs fiancées ; les enfans aux parens en un jour de fête, et ceux-ci sur les tombes de ceux qui les ont précédés dans la mort. Sans souci du mot scientifique, chacun applique aux fleurs symboliques des noms en rapport avec l’idée que leur vue lui inspire : la Sobralia dichotoma s’y nomme la Fleur du Paradis ; la Peristeria data, fleur de l’Esprit-Saint ; la Lœlia superbiens, le bâton de Saint-Joseph ; la Lœlia majalis, fleur de Mai ; l’Epidendrum macrochilum, bouche du Dragon ; l’Oncidium tigrinum, la fleur des Morts. On y trouve encore la fleur du Pélican, d’Isabelle, de Jésus et jusqu’à l’Orchidée exprimant l’espoir, comme notre myosotis français, le Vergiss-mein-nicht des Allemandes, de ne pas être oublié de ceux que nous aimons.

Les Anglais, eux aussi, ont donné aux fleurs des Orchidées, leurs plantes favorites, des noms tout aussi caractéristiques. On trouve dans leurs magnifiques jardins d’hiver l’Orchidée Grenouille, l’Orchidée Mouche, l’Orchidée Queue de Renard, l’Orchidée Arête de poisson, etc. Pas un naturaliste n’a encore osé servir de parrain ou plutôt donner un nom de fantaisie aux Stanhopea, ces belles fleurs semblables à de grands oiseaux aux ailes déployées, de même qu’aux Coryanthes dont le labelle représente un seau surmonté d’un capuchon muni de deux ailes à demi ouvertes, et dans lequel deux petits appendices recourbés laissent tomber goutte à goutte un liquide parfumé. Malheureusement ces deux dernières Orchidées sont d’une rareté extrême et, par conséquent, d’un prix très élevé.

Bon nombre de ces plantes singulières ont leurs légendes poétiques, légendes recueillies par des naturalistes collectionneurs dans les contrées où le dogme de la transmigration des