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Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 127.djvu/485

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formellement par la Belgique. La question de savoir si nous avons renoncé à ce droit de préférence au profit de la Belgique elle-même pourrait être controversée ; cela semble bien résulter d’un échange de lettres qui a eu lieu, en 1887, entre M. Van Eetevelde, administrateur général des affaires étrangères de l’État du Congo, et M. Bourée, notre ministre à Bruxelles ; mais les termes employés par ce dernier ne sont pas explicites et ils ne résolvent pas définitivement la difficulté. Cependant, nous aurions tort de la soulever de nouveau tout entière, et il n’est pas probable que telle puisse être l’intention de notre gouvernement. En bonne foi, nous avons un engagement envers le roi Léopold, mais le roi en a aussi un envers nous, et il importe que nos droits revêtent, au moment où s’accomplira la fusion du Congo et de la Belgique, une précision qui ne puisse laisser place à aucun doute. Il n’existe, ou du moins nous ne connaissons pour le moment aucun texte qui présente incontestablement ce caractère.

Notre diplomatie commettrait donc une faute si elle laissait l’annexion s’opérer sans avoir pris toutes les précautions que cette mesure comporte et même qu’elle exige. Le gouvernement belge a parfaitement compris en 1890 qu’il avait besoin de s’entendre avec nous avant de demander aux Chambres le vote de l’emprunt ; il y avait là, en effet, un premier lien jeté entre l’État du Congo et la Belgique, mais ce lien était léger en comparaison de celui qu’il s’agit de nouer maintenant. Le roi Léopold faisait pressentir l’annexion, il ne la réalisait pas encore. S’il a senti pourtant, à cette époque, la nécessité de ne rien faire qu’après un échange de vues et une entente avec nous, à plus forte raison la comprendra-t-il aujourd’hui. Il n’a pas eu, d’ailleurs, à regretter son attitude confiante de 1890, et cela doit l’encourager d’autant plus à la renouveler, ou plutôt à y persévérer, qu’une attitude différente n’a pas eu toujours depuis le même succès. Mais nous ne voulons rappeler aucun souvenir pénible : assez d’autres sont mieux en situation. Comment la Belgique douterait-elle de nos sentimens ? Nous aurions pu défendre contre elle notre droit de préférence ; nous ne l’avons pas fait, d’abord par déférence pour le roi Léopold et par considération pour la grande œuvre qu’il a généreusement accomplie, ensuite parce que le voisinage de la Belgique nous convient et que c’est, de tous, celui que nous préférons en Afrique. Aussi ne voulons-nous pas en accepter d’autre sans avoir été mis au préalable en mesure d’exercer notre droit de préférence, et, si nous ne l’exerçons pas, de nous en abstenir à bon escient. Les pourparlers indispensables sont-ils ouverts entre Bruxelles et Paris ? Nous aimons à le croire : ce serait de part et d’autre une véritable imprudence et probablement l’origine d’assez graves difficultés futures que de ne pas les ouvrir et les poursuivre avec une bonne volonté réciproque. Le gouvernement belge ne fera rien de valable et de solide en dehors de nous. En 1890,