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Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 127.djvu/548

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cependant j’en ai bien peu à vous donner. Je prêche une retraite à des laïques, et dans une demi-heure je dois être à eux. D’ici là, je suis à vous.

Nous montons au premier étage de la Santa Casa, qui n’est, à vrai dire, qu’une succession de petites pièces, basses d’étage, aux plafonds très ouvragés, transformées en chapelles. On y garde des reliques et des souvenirs de toutes sortes : deux lettres de saint Ignace, encadrées; un portrait, d’après Coello, copie d’un tableau qui se trouve à Madrid, et où le saint est représenté avec le visage plein, le front large, les yeux bridés et doux, le nez aquilin si commun dans la noblesse espagnole ; la chasuble que portait saint François de Borgia, le jour de sa première messe, et qu’avait brodée sa sœur, Anne de Borgia et d’Aragon; des meubles de la famille de Loyola, qui habita deux siècles encore le palais après la mort du saint.

Nous suivons les immenses corridors blancs, éclairés par des cours intérieures, sur lesquels ouvrent les cellules des religieux. Le P. Vinuesa pousse une porte, çà et là, et je vois la cellule classique, avec l’alcôve, deux chaises, une table chargée de livres. Nous montons encore, et j’entre dans la bibliothèque, pleine de lumière, de belle lumière tombée d’un ciel de montagnes. Oh ! la réjouissante et savante odeur des reliures de cuir! Est-ce le vieux papier? n’est-ce pas plutôt la pensée humaine, comprimée et serrée comme une fleur entre les feuillets, qui répand ce parfum : parfum de vie, puisqu’il enivre? Je me sens là un peu chez moi, et je m’attarde. Je demande :

— Est-il possible de voir la salle où s’est réunie récemment ce que vous appelez, je crois, la « congrégation générale »?

— Très facile. Nous y touchons. Elle est encore meublée.

— Quand a eu lieu la dernière élection du général de l’Ordre?

— En 1892, le premier dimanche d’octobre. Ne pouvant se faire à Rome, elle s’est faite ici.

Une longue salle, presque sous les combles, très éclairée, comme la bibliothèque. Sur les murs, blanchis à la chaux, des tableaux religieux de valeur médiocre. Des pupitres noirs, tout semblables à ceux des élèves de nos écoles primaires, sont disposés sur deux rangs, en forme de fer à cheval. En face, la petite table de bois blanc du président, avec la sonnette de cuivre. Il y a en tout 73 places. Des cartes, fixées aux pupitres, indiquent le nom de chacun des délégués. Je m’approche, et je lis : P. Antoninus Cordeiro, elector Lusitaniæ; — P. Clément Wilde, elector Neerlandiæ; — P. Ambrosius Matignon, elector Franciæ; — P. Petrus