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V

Après le malaise de l’agriculture, le marasme industriel. Jusqu’à la fin du troisième trimestre de cette année, un grand nombre d’industries françaises ont sérieusement souffert: l’industrie lainière à Reims, même à Roubaix et à Tourcoing, la filature de coton à Rouen, la raffinerie à Marseille, l’industrie textile à Lyon, la métallurgie qui, pour la matière première, fonte et houille, paie des prix plus élevés que ceux d’Allemagne, de Belgique et d’Angleterre. Grâce aux droits protecteurs, nos fabricans obtiennent encore une rémunération suffisante sur le marché intérieur, mais ils ne peuvent exporter, et il leur faut, de toute nécessité, réduire leur production. Certains établissemens ont dû renoncer à la lutte ; la presse a retenti des plaintes arrachées par l’intensité de la crise au monde industriel et commercial de la région de Reims. D’autres maisons, moins malheureuses, poursuivent la lutte à force de sacrifices, mais diminuent le nombre des métiers ou des machines en activité ; la masse des ouvriers sans travail ne cesse de s’accroître.

« L’industrie lainière, dit une délibération de la Chambre de commerce de Reims, produit environ le double de ce qui est nécessaire pour la consommation intérieure; il faut donc ou supprimer la moitié de cette production, ou, sans retard, et par les moyens possibles, pousser au développement de l’exportation. » « La crise est tout aussi aiguë, lisons-nous dans la même délibération, pour le commerce des vins de Champagne; c’est surtout un commerce d’exportation, et des droits presque prohibitifs ferment les marchés d’Allemagne, de Russie, d’Italie, de Suisse, d’Autriche-Hongrie et des Etats-Unis. » Dans les caves du seul département de la Marne seraient amoncelées, dit-on, 150 millions de bouteilles de vin de Champagne, six fois la consommation annuelle du monde entier[1].

Les statistiques de la navigation maritime, pour le premier semestre de 1894, ne donnent pas de plus satisfaisantes indications. Le nombre total des navires français et étrangers, entrés dans les ports français ou qui en sont sortis pendant cette période, ne présente qu’une diminution légère sur le chiffre correspondant de 1893, mais la réduction est beaucoup plus forte sur les navires français que sur les étrangers. Cette réduction atteint, en effet, 200 000 tonnes environ, soit 10 pour 100 à l’entrée comme à la

  1. Voyez l’étude de M. G. d’Avenel dans la Revue du 1er octobre 1894.