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Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 127.djvu/598

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le pays ? Il s’était sauvé dans les bois après un meurtre, et il y a vécu un an avec son winchester. Il tirait si bien qu’il terrorisait tous les autres nègres. Ces lâches lui fournissaient de quoi manger, du whiskey et des cartouches. On a fini par le prendre. Un faux ami lui mêla de l’opium dans son whiskey et le livra. On a fait son procès, à ce Seymour, et on l’a condamné à mort. Croiriez-vous que M. Scott s’est indigné que l’on se fût assuré de cet homme ainsi, et il a obtenu qu’on reculât l’exécution ? Il est parti pour Atlanta afin d’obtenir la grâce ! Il n’a pas réussi, d’ailleurs, et c’est jeudi que cette canaille sera pendue…

— Mais le colonel a dû donner d’autres raisons que cette traîtrise pour plaider l’indulgence ?

— Sans doute. Il a prétendu que Seymour avait été fait convict trop jeune. Vous avez vu des hommes en costume brun et blanc travailler le long de nos routes, avec une chaîne aux pieds ? Ce sont nos forçats. Ce garçon a fait, lui aussi, cette besogne. Je me le rappelle. Il avait dix-sept ans, c’est vrai. Mais pourquoi avait-il déjà commis deux vols, sans compter celui pour lequel M. Scott l’a congédié sans vouloir le poursuivre ?

— Dix-sept ans, répondis-je, c’est bien jeune tout de même. À cet âge on est encore bien influençable, et une pareille compagnie n’est pas pour redresser un caractère qui tourne mal…

— Welly reprit M. Williams, il y en a beaucoup qui restent à la chaîne un an, deux ans, et puis ils refont leur vie. Quand un homme a payé sa dette, nous estimons, nous autres Américains, qu’elle est vraiment payée… Ce Seymour aurait pu payer la sienne en travail. Il a préféré se conduire de telle façon qu’il doit la payer autrement, c’est son affaire… Et à ce propos est-ce que cela ne vous intéresserait pas d’assister à l’exécution ? En Géorgie, nous n’avons pas adopté l’électricité. Nous nous en tenons à la pendaison. Vous comparerez avec la France. Vous avez chez vous la guillotine, n’est-ce pas ?…

— Je ne l’ai jamais vue fonctionner, lui dis-je, et je doute que j’aie la force nerveuse de voir pendre un homme sans vider la place…

— Je demanderai toujours pour vous un billet au shériff, fit l’hôtelier, vous vous en servirez ou ne vous en servirez pas…


Il tint parole, et dès le surlendemain, qui était le lundi, j’avais la promesse du billet. Mais le soir du même jour, il m’abordait de nouveau, dans le hall de l’hôtel, pour me dire avec le visage soucieux d’un bon citoyen qu’afflige une mauvaise nouvelle et d’un logeur qui prévoit de fâcheux contretemps à ses locations :