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se trouvait un tombeau scellé dans le roc. On prétendait que c’était celui d’Osiris, ce dieu mythologique, ce roi fabuleux qui enseigna les arts et les sciences à l’Égypte, qui succomba aux embûches de son frère Typhon, dont les membres furent retrouvés par sa femme Isis et dont le fils Horus devint le vengeur, la réapparition vivante et agissante. Abydos était donc le saint-sépulcre de l’Égypte. On y venait de toutes parts consulter ses prophètes. Les pharaons y recevaient leur plus haute initiation. Les pèlerins y affluaient. Des barques peintes y amenaient d’innombrables sarcophages par un canal de deux lieues. Car les rois et les grands tenaient à faire consacrer leurs cercueils dans ce sanctuaire, même lorsqu’ils avaient leurs hypogées dans d’autres nécropoles. Ils s’imaginaient que c’était le meilleur viatique pour le voyage d’outre-tombe.

La grande vogue d’Abydos date du règne de Séti 1er le père du grand Ramsès. Ce prince, qui marque avec les Touthmès et son illustre fils l’apogée de la puissance égyptienne , appartenait à cette dynastie thébaine, qui, après des luttes séculaires, chassa les usurpateurs étrangers, les Hyksos, abolit les cultes bâtards et impurs apportés de Phénicie par les envahisseurs, et rendit dans toute l’Égypte l’autorité suprême au culte mâle et pur d’Ammon-Râ, qui n’était que la forme extérieure et officielle du culte secret et de l’initiation d’Osiris. Pour consacrer la grande victoire politique, sociale et religieuse du pharaonat théocratique, Séti fit bâtir son memnonium à côté du mausolée symbolique du Dieu grand, saint et caché, afin que son fils et ses successeurs vinssent s’initier et s’inspirer là. Pour mieux expliquer sa pensée, il fit construire ce temple sur un plan spécial qu’on ne retrouve pas ailleurs. Au lieu de lacella réservée à une seule divinité comme dans les temples de Dendérah, de Karnak, de Louksor et d’Edfou, le sanctuaire se composa de sept chapelles placées de front. Celle de gauche fut consacrée au roi régnant, les six autres à la série des divinités qui correspondent aux degrés successifs de l’initiation sacerdotale et royale, depuis Phtah le distributeur des élémens physiques ; à travers Harmakis le régulateur plastique ; Ammon, cœur du désir, créateur et reproducteur ; Osiris, le verbe humain révélateur ; Isis, la lumière incréée ; jusqu’à Horus, l’esprit divin ressuscité dans l’homme. Joignant l’affirmation historique au témoignage scientifique et religieux, Séti fit reproduire dans une aile du temple les cartouches de tous les Pharaons que la doctrine et la politique thébaines considéraient comme légitimes, parce qu’ils étaient restés fidèles au culte d’Ammon-Râ. Cette liste des rois solaires était comme le sceau apposé à l’œuvre d’Amosis