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Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 127.djvu/705

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Diaz, Vasco de Gama, Saldanha et d’Almeida, les Anglais à leur tour avaient tenté de s’établir au cap de Bonne-Espérance ; enfin en 1650, après une première expédition qui avait abouti à un désastre, la Compagnie hollandaise des Indes Orientales décida d’envoyer dans la Baie de la Table toute une troupe de colons, sous la conduite d’un jeune capitaine, Jan van Riebeck, qui avait fait déjà plusieurs fois le voyage des Indes, et qui possédait en outre un légitime renom d’énergie et de probité.

Voici en quels termes l’a jugé un auteur anglais, Theal, dans ses Chroniques des gouverneurs du Cap : « Jamais, dit-il, un gouvernement n’a trouvé serviteur plus fidèle : car il s’est toujours efforcé d’exécuter à la lettre les instructions qu’on lui avait données. C’était un homme d’un tempérament sanguin, et d’une grande énergie. Mais d’autre part son intelligence était assez faible, et souvent ses idées de justice furent obscurcies par l’unique objet qu’il avait en vue :les gains de la Compagnie dont il était l’employé. Il était tyrannique, et traitait ses inférieurs avec un mépris de parvenu. Avec cela très religieux, mais à la manière de son temps, et sans que la religion l’ait jamais empêché d’agir traîtreusement, pour peu qu’il le trouvât utile aux intérêts de sa Compagnie. »

C’est bien ainsi que nous apparaît, en effet, le capitaine hollandais, d’après le journal où il a fidèlement consigné ses actes, durant les dix ans de son séjour au Cap. Son biographe hollandais, M. Doedes, proteste, à vrai dire, contre le reproche que lui adresse Theal d’avoir agi traîtreusement, et d’avoir sacrifié ses idées morales aux intérêts de sa Compagnie. Mais il ne peut nier que Riebeck ait été surtout un employé scrupuleux, le modèle des employés. A toutes les pages du Journal, ce sont des allusions aux ordres reçus de la Compagnie, ou encore des demandes d’instructions supplémentaires. On sent que Riebeck ne veut rien entreprendre de son propre chef, et que, pour honnête et charitable qu’il soit de nature, il aimerait mieux mécontenter sa conscience que sa Compagnie. Mais, dans les limites qu’il se croit permises, c’est un excellent homme, d’une bravoure et d’une activité peu communes, et très suffisamment intelligent pour le rôle qu’il avait à jouer.

Parti de Tessel en décembre 1651, avec une centaine d’hommes sur trois grands bateaux, il arriva le 5 avril 1652 en vue du cap de Bonne-Espérance. Ses instructions lui ordonnaient de se mettre aussitôt en relation avec un Ottentoo qui savait l’anglais : et de fait ce Hottentot se présenta devant lui dès le lendemain de son arrivée, et lui fournit les premiers renseignemens sur la population indigène. Celle-ci était composée de quatre ou cinq races diverses, qui vivaient en guerre constante l’une avec l’autre : les Saldaniers ou Hommes du Cap, les