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Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 127.djvu/714

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universelle. Tour à tour Michel les défie, Constantin les implore, et le guetteur, un peu visionnaire, s’effraie de voir qu’elles brillent d’un éclat singulier. L’invocation aux étoiles revient avec insistance. Quelques-uns à ce propos ont prononcé le nom de leitmotiv avec une arrière-pensée d’enrégimenter M. Coppée parmi les wagnériens, après en avoir fait un tolstoïsant. Cela n’est pas suffisamment sérieux. Remarquons seulement que ces images qui fleurissent le style et qui l’égaient, nuisent d’autant à l’illusion. Nous sentons que le poète est là, derrière ses personnages, oublieux de leurs intérêts et de l’action engagée, soucieux de sa propre virtuosité. Et nous aussi, cédant au plaisir de l’admirer, nous oublions de lui en vouloir.

Une œuvre conçue avec une hardiesse qui peut-être ne se maintient pas jusqu’à la fin, où le penseur ayant indiqué une théorie audacieuse s’arrête à mi-chemin, où le poète fait dépense de plus de sensibilité et de plus d’imagination lyrique que de vigueur dramatique, telle est cette œuvre, une fort belle œuvre, je l’ai dit, et devant laquelle on ne peut que s’incliner respectueusement.

Ce n’est pas à l’Odéon, c’est à la Comédie-Française que nous aurions aimé à voir Pour la Couronne! Du moins a-t-on fait à l’Odéon, avec les ressources dont on y dispose, tout ce qu’on a pu pour ne pas trahir l’œuvre du poète. Chacun a donné toute sa mesure. Il n’est que juste de tenir compte aux comédiens de ce visible effort. M. Magnier, chargé du rôle de Michel Brancomir, a une belle voix qu’il ne sait pas encore diriger. M. Fénoux (Constantin) a de la bonne volonté et de l’ardeur, plutôt encore que de la chaleur et de la passion. Mlle Wanda de Boncza est très jolie. Elle a soupiré agréablement la cantilène des roses. Mme Tessandier a de belles attitudes. M. Albert Lambert a, plus qu’aucun autre acteur d’aujourd’hui, l’autorité dans la bonhomie.


RENE DOUMIC.