entreprise. Le secours qu’il allait porter à Samuel et les raisons qui l’y engageaient me montraient mieux encore tout le cas qu’on devait faire de son caractère. J’étais surtout extrêmement touché du désintéressement que je voyais en lui et qui se rencontre assez rarement chez ses compatriotes. L’idée seule ne leur suffit pas. Toujours quelque arrière-pensée positive se cache derrière leurs sacrifices. Les dangers au milieu desquels leurs entreprises les jettent, les obstacles où leur opiniâtreté les retient, leur font risquer leur vie et la perdre sans plainte. Ils sont audacieux et braves. Ils savent mourir, — mais encore ne meurent-ils que pour faire leurs affaires.
Je n’insistai naturellement pas sur ce dernier point en m’adressant au Très Honorable que, venant de Naples où le Samson m’avait laissé, je trouvai seul à Rome, c’est-à-dire sans William, qui, dans l’intervalle, avait été déplacé et nommé à Rio.
Le Très Honorable était fort curieux de savoir l’idée que j’avais bien pu prendre de son gendre entre Ceylan et Suez, et, comme il me pressait de plus en plus, en faisant appel à toute ma sincérité, je finis par lui dire que, si l’Eglise Etablie admettait le culte des saints, elle serait obligée, à tous les titres du noble lord, d’ajouter encore celui-là, le plus beau de tous, le seul personnel et qui ne se transmette point. J’ajoutai, pour répondre d’avance à toute objection, qu’on s’accordait pour reconnaître que les Apôtres n’avaient pas tous eu le même caractère et que tous les saints ne se ressemblaient pas ; que, s’il y en avait de doux, il s’en était trouvé parmi eux de farouches, tous d’ailleurs fort incommodes à leur famille, ce qui n’empêchait rien.
Il me répondit qu’aux violens il n’était pas défendu de préférer les pacifiques, que du reste, toute sainteté mise à part, et en quelque genre qu’ils s’exerçassent, les excentriques ne lui agréaient point.
Je vis bien cependant qu’il me savait gré de n’avoir pas plus mal parlé devant lui d’un homme auquel, malgré tout, il tenait de si près. J’avais eu d’ailleurs le même genre de succès, auprès de lady Hyland et de lady Lucy, à qui la sympathie que je lui avais montré tout le temps du voyage avait été loin de déplaire.
Ce n’était d’ailleurs qu’après s’être longuement et minutieusement informé de celles que, dans le commencement, il avait essayé d’arracher aux aventures d’une vie singulière, qu’il en était venu à l’apôtre. Dès que je lui eus confirmé que sa fille et sa petite-fille n’étaient pas emmenées, et qu’elles continueraient, de Londres, à diriger la propagande, il avait admis et approuvé d’autant mieux la généreuse résolution de son gendre qu’après nouvelle