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qui avaient signé le projet, et un républicain qui s’y était rallié, M. Jules Simon. À ce moment la transmission régulière du pouvoir semblait certaine. Mais dans un ou deux bureaux, quelques bonapartistes mirent leur honneur à protester contre ce qu’ils savaient nécessaire. Et ce verbiage de dévouement, qui ne pouvait sauver l’Empire, allait perdre le Corps législatif.


V

Toute défense des Assemblées contre la foule est soumise à une nécessité qui est une faiblesse : on ne peut interdire leur accès à tout le monde. Il faut laisser passage aux députés, aux journalistes, aux porteurs de billets, au personnel de toute sorte qui est préposé aux divers services d’une Chambre. Ainsi la vie parlementaire attire à elle, et jusque dans l’enceinte qu’il faut préserver de l’invasion, des groupes nombreux. Les ordres qui barrent le chemin à la foule doivent respecter ces privilèges, céder à ces exceptions : de là un premier embarras pour les troupes, obligées d’interpréter, alors qu’elles sont habituées à exécuter des consignes simples et absolues. L’interprétation étend les privilèges, le temps manque pour exiger de chacun la preuve du titre qu’il se donne en réclamant passage, l’audace impose, la ruse se glisse, les lignes avancées de police ou de soldats ne se montrent pas trop rigoureuses, songeant que, si elles refusent accès à qui a droit, les conséquences seront fâcheuses pour elles, et que, si elles laissent passer un intrus, il sera arrêté aux portes du palais. Aux portes du palais, les gardiens qui appartiennent à l’Assemblée interprètent plus largement encore. L’esprit du monde où ils vivent et qu’ils servent les a pénétrés. Ils savent par une expérience de tous les jours que les règles cèdent aux influences, là, les huissiers mêmes sont des parlementaires, connaissent les parens et les familiers des députés, sur l’invitation de ceux-ci entr’ouvrent les issues interdites, et, tout comme les ministres, ont des complaisances particulières pour l’opposition.

C’est ainsi que, le 4 septembre, derrière les digues, avait déjà, au moment où s’ouvrit la séance, filtré par quelques fuites et goutte à goutte un premier flot humain ; il remplissait les tribunes et débordait dans les salles des pas-perdus ; en nombre étaient des hommes d’opposition monarchique ou républicaine, journalistes, meneurs, anciens députés et victimes du 2 Décembre.

La sûreté des Assemblées est soumise à une seconde condition qui est une faiblesse : leur défense appartient à plusieurs autorités. Le pouvoir militaire commande autour de la place à