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statuettes de terre cuite; c’est bien la couleur conventionnelle employée par les coroplastes pour reproduire à peu près les tons dorés et brillans qu’un voyageur grec admire si fort dans la chevelure des femmes thébaines.

Vers le milieu du second siècle avant notre ère, l’art grec subit une évolution qu’on a quelquefois qualifiée de renaissance. C’est le moment où une école de néo-classiques, réagissant contre les tendances de l’alexandrinisme, revient résolument aux traditions des deux grands siècles; où des sculpteurs habiles, comme Apollonius, Glycon, Cléoménès, signent le Torso du Vatican, l’Hercule Farnèse, le prétendu Germanicus du Louvre, et prennent pour modèles les œuvres du Ve ou du IVe siècle. Les sculpteurs grecs émigrent en Italie; pour satisfaire aux exigences de leur clientèle romaine, ils multiplient les copies de statues célèbres; les villas, les palais des riches Romains se remplissent de marbres sculptés par d’habiles praticiens et dont les œuvres d’art enlevées à la Grèce ont le plus souvent fourni les modèles. La polychromie survit-elle à ces conditions nouvelles? va-t-elle s’acclimater sous le ciel italien ? Il serait étrange que les goûts de dilettantisme archéologique, la curiosité érudite, qui s’éveillent à Rome, ne fussent pas pour elle une garantie de vitalité. On ne voit pas qu’elle cède brusquement la place à une froide sculpture monochrome. Tout au contraire. Bien loin de proscrire l’union de la forme et de la couleur, le goût italien l’accepte avec empressement. C’est de l’époque impériale que datent les statues de marbre de couleur, basalte vert, porphyre, rouge antique (rosso antico) jusque-là propres à l’art égyptien. L’emploi de ces marbres, importés d’Egypte ou de Numidie, favorise le développement d’une polychromie toute spéciale qu’on peut qualifier de polychromie naturelle; il donne naissance à ces statues de marbre multicolores, devant lesquelles notre goût moderne hésite, et qui provoquent au moins notre curiosité, à défaut d’admiration.

Comment, à côté d’une statuaire si audacieusement polychrome, la peinture n’aurait-elle pas maintenu ses droits, défendus par une longue tradition, et par le prestige de l’art hellénique? Elle les maintient si bien que nous devons à la sculpture gréco-romaine des spécimens très nombreux et très concluans de statues coloriées. En 1885, on a trouvé à Rome, sur l’emplacement des jardins de Salluste, une tête d’Athéna où il est facile de reconnaître une copie de la Parthénos[1]. Le peintre s’est efforcé de se rapprocher le plus possible du modèle, et de rendre l’aspect d’une

  1. Antike Denkmaeler, 1886, 1, pl. III.