Quand on établit ce qu’on appelle un tableau de quartiers, on rencontre bientôt, dans le damier généalogique, des cases vides que l’absence de documens ne permet pas de remplir. Les lacunes commencent pour Rousseau au quatrième degré, où on ne lui connaît que 15 ascendans sur 16. Au degré supérieur, on ne peut inscrire, au lieu de 32, que 26 noms de famille. On arrive ensuite au sixième degré (64 quartiers), ce qui se trouve correspondre au second quart du XVIe siècle, c’est-à-dire à une époque où les registres de baptêmes et de mariages n’étaient pas encore établis. En outre, à cette date, la moitié des familles dont Jean-Jacques est descendu, avaient encore leur demeure en divers lieux de France, où les recherches généalogiques sont beaucoup moins faciles qu’à Genève; presque toutes les branches de notre arbre s’arrêtent là. On ne peut prolonger encore plus loin les lignes ascendantes, qu’en suivant deux rameaux qui s’élèvent au-dessus des autres, et dont la dernière cime atteint le commencement du XVe siècle.
Escalader tous ces degrés jusqu’à ce qu’on soit arrêté par le vide, suivre le fil généalogique en ses bifurcations successives jusqu’au point où il vous échappe enfin, ce sont là des divertissemens d’érudits; on peut se plaire à ce sport savant. Quelques milliers de personnes, dans les familles genevoises d’aujourd’hui, sont heureuses de trouver, sur la liste de leurs ancêtres, tel ou tel individu qui a aussi sa place parmi les ascendans de Jean-Jacques Rousseau. La série des filiations, qui établissent ainsi un rapport de parenté entre le célèbre philosophe et beaucoup de nos contemporains, fait plaisir à quelques personnes et peut amuser des esprits curieux; mais elle n’offre pas en soi un sérieux intérêt. La sécheresse de ces tableaux décharnés est rebutante. Il n’y a que deux cas où les trouvailles qu’on peut faire méritent d’être signalées. Soit quand on atteint des familles venues de provinces éloignées: il n’est pas indifférent de bien déterminer la part de l’élément étranger et celle de l’élément indigène, dans l’ascendance de Rousseau; soit quand de vieux documens permettent de jeter un regard sur la vie privée, de découvrir quelques traits de mœurs ou de caractère, de mettre en lumière quelque curieux incident.
Ceux des ascendans de Rousseau qui ne sont pas originaires de quelqu’un des villages des environs de Genève, sont tous venus de France, à la seule exception de la famille de la Rive, une des plus anciennes et des plus considérées de la ville : elle était de souche italienne, étant sortie de Mondovi en Piémont.
Quant aux réfugiés français, qu’on rencontre dans le tableau