Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 127.djvu/935

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ce siècle ont fait pour fondre ensemble, dans une indivisible unité, l’ancienne France et la nouvelle, nos internats l’ont fait à leur manière, depuis quatre-vingts ans, et ils le font encore tous les jours. Ils atténuent les différences que le hasard de la naissance et celui de la fortune ont pu mettre entre les hommes. Ils apprennent à l’enfant que sa puissance ou son « caprice » ne sont pas la mesure de ses droits. Ils usent, pour ainsi parler, les aspérités naturelles des caractères. Ils impriment profondément en nous la marque de l’esprit national. Et quand après cela j’entends qu’on leur reproche ce qu’ils ont de trop militaire, — et qui n’est qu’une affaire de tuniques et de tambours, — pourquoi ne souhaiterais-je pas que le reproche fût en effet mérité? Si nous faisions vraiment au collège l’apprentissage des vertus morales du soldat, quel mal y verrait-on? Nous ne formerons jamais trop tôt les hommes à la discipline et à l’abnégation. Et si c’est là, si ce pourrait être l’un des grands bienfaits de l’internat, cette seule raison me suffirait pour en combattre la suppression. Voyons les choses comme elles sont : les dangers de l’internat ne sont pas plus grands que ceux du « militarisme » ; — et, cependant, nous faut-il des armées?

La question en soulève une autre, — qui est celle des « maîtres d’études, » — et à laquelle, si l’on était sage, on n’attacherait pas moins d’importance en matière d’éducation qu’on n’en accorde en matière d’organisation militaire à la « question des sous-officiers. » Je veux dire par là qu’au lycée comme au régiment, ce qu’il est presque le plus nécessaire, — mais aussi le plus difficile d’assurer, — c’est le recrutement, la valeur, et la solidité des « cadres ». Qui des deux est le plus rare, d’un bon adjudant ou d’un brillant officier? Je n’ose en décider. Mais un excellent maître d’études est sans aucun doute plus difficile à rencontrer qu’un brillant professeur. C’est que le professeur, après tout, pour briller, n’a tout uniment qu’à courir sa carrière : il n’a qu’à se développer dans le sens de ses aptitudes. Rien de tel que d’aimer passionnément l’histoire pour la bien apprendre, et, par suite, pour l’enseigner d’une manière qui passionne à son tour! Au contraire, ce que nous demandons aux maîtres d’études n’est rien de moins que l’une des formes les plus pénibles du dévouement et de l’abnégation. Il faudrait le savoir et les traiter en conséquence. « Voulez-vous de bons cadres, — écrivait-on ici même il y a quinze ou seize ans, — élevez-les à la hauteur d’une institution, sachez y intéresser l’opinion publique. Surtout, grandissez vos sous-officiers devant le public, devant l’armée, et devant eux-mêmes. » C’est précisément ce que nous dirons des maîtres d’études. Eux