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Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 127.djvu/951

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dans le cercle de ses idées quand elle entreprit d’écrire pour le Théâtre-Italien un opéra de Faust, où toute l’énergie de son âme put s’exhaler à l’aise… Mlle Bertin n’a pas reculé devant une entreprise plus grande et plus difficile encore. » — Cette entreprise dernière était la composition d’Esmeralda. On sait quel en fut le succès.

Cette page de critique semble fournir sur la nature artistique non seulement de Mlle Bertin, mais peut-être de son émule actuelle, des indications, ou tout au moins des inductions précieuses. Chez Mme Holmès comme chez sa devancière, ce qu’avant tout on a jusqu’ici vanté, n’est-ce pas justement l’énergie, et comme on dit avec importance : « un tempérament », ou encore « une nature ». Quand les femmes ont du talent, il plaît à notre orgueil d’hommes qu’elles n’en aient qu’à notre manière. Or parmi les quelques musiciennes qu’on cite aujourd’hui, Mme Holmès est sans doute et de beaucoup la plus masculine. Elle écrivit à la gloire de la République et de la dernière Exposition certaine Ode triomphale, qu’un homme, plusieurs peut-être, n’auraient jamais faite plus virile. Ce n’est pas tout, et par d’autres traits encore, l’auteur de la Montagne Noire ressemble à celui, ou à celle d’Esmeralda. Elle aussi joue du piano, dit-on, et très bien. Elle possède également, on l’assure, une voix pleine d’énergie et c’est, paraît-il, merveille de l’ouïr. Hélas ! elle a brûlé aussi d’écrire un opéra et j’ai grand’peur que dans sa tournure d’esprit (pour parler comme Fétis) il ne soit pas entré de commencer par apprendre l’harmonie ni le contrepoint. Elle a sans doute écrit ses idées, mais ses idées n’ont pas pris insensiblement, comme celles de l’heureuse Mlle Bertin, la forme des morceaux qu’elle voulait faire ; l’harmonie, plus rebelle, ne s’est pas régularisée, et l’instrumentation est demeurée ce qu’elle était d’abord : essayée d’instinct et remplie de formes insolites.

Deux fois muse, Mme Holmès chante ses propres vers ; paroles et musique, son œuvre n’est que sienne. En voici le sujet. Aslar et Mirko, deux compagnons de guerre, s’étaient liés, suivant, dit-on, une coutume locale, par un serment d’honneur commun et de fraternel patriotisme. Une femme survint, une Turque, une belle ennemie, Yamina, et pour la suivre Mirko fut traître à son serment, à son frère d’armes, à sa fiancée, à sa patrie. Une première fois l’héroïque Aslar réussit à ramener le faible Mirko. Mais ayant échoué dans une seconde et suprême tentative, il tua son ami pour le sauver de la honte, et, sur le cadavre, lui-même se frappa.

Il n’est pas seulement charitable, il est juste de relever dans la partition de Mme Holmes une page qui n’est point méprisable : c’est une espèce d’Orientale, soupirée au second acte par Yamina se souvenant de son pays. J’en aime la mélodie aux notes graves et lourdes de langueur, les harmonies un peu maladives et l’accompagnement où