Dictionnaire philosophique, avant d’être lacéré et brûlé, avait donné lieu à un transport spécial, et à des frais supplémentaires ; cet état de frais extraordinaires se détaillait ainsi :
Vingt postes | 66 livres, 17 sols. |
— bouche | 6 livres, 18 sols. |
— Id. | 17 livres,9 sols. |
— Id. | 13 livres, 7 sols. |
Une place dans le carrosse d’Abbeville | 15 livres |
117 livres, 51 sols. | |
Salaire | 36 livres |
Total pour ce transport urgent du dictionnaire philosophique | 153 livres, 51 sols. |
De ce total, par extraordinaire, M. Joly de Fleury ne défalqua rien.
Voltaire déclare que la France entière regarda le supplice de de La Barre avec horreur. Ce trait, avons-nous dit déjà, nous semble fort exagéré, si l’on juge surtout des sentimens de la nation par ceux que manifesta le peuple d’Abbeville. « Une chose qu’on doit remarquer, dit Devérité, c’est que le peuple d’Abbeville qui, quelque temps auparavant, avait été chercher dans la cendre d’un semblable bûcher les prétendues reliques d’un jeune scélérat qui avait empoisonné ses père et mère, mais qui était mort avec beaucoup d’onction, ce même peuple ne vit qu’avec le plus grand mépris les cendres de de La Barre et les dispersa[1]. » Ceci prouve tout au moins que, malgré l’exécution du chevalier, les haines n’étaient point satisfaites, et que Linguet avait fort à faire pour fléchir des juges aveuglés. Il y parvint, et ce succès, qu’aucun écrivain ne relève, aurait dû compter pour sa gloire. Son Mémoire pour les jeunes Moisnel, de Saveuse et de Douville Maillefeu parut le 27 juin 1766.
Ce courageux écrit, dont on connaît déjà plusieurs passages, était bien fait pour déchaîner contre son auteur les plus redoutables colères. Le 1er juillet, M. Joly de Fleury écrivit, à son sujet, la lettre suivante au lieutenant général de police : « Il a été ce matin, Monsieur[2], fait un arrêté à la Grand’Chambre
- ↑ Le bruit courut que Voltaire, exaspéré, voulut alors quitter la France. Voici ce qu’il écrivait à ce sujet : « Il est vrai que j’ai été saisi de l’indignation la plus vive, mais je n’ai pas pris le parti qu’on suppose. J’en serais très capable si j’étais plus jeune et plus vigoureux, mais il est très difficile de se transporter à mon âge. J’attendrai sous les arbres que j’ai plantés le moment que je n’entendrai plus parler de ces horreurs qui font préférer les ours de nos montagnes à des singes, à des tigres déguisés en hommes. »
- ↑ Idem note précédente