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qui porte qu’un Mémoire à consulter pour les nommés Moisnel, Dumesniel de Saveuse et Douville de Maillefeu, imprimé chez Cellot, rue Dauphine, sera remis entre les mains des Gens du roy et par lequel ils sont chargés de prendre toutes les mesures pour en arrêter la distribution.

« J’ay l’honneur de vous écrire en conséquence pour vous prier de donner les ordres les plus précis pour en arrêter tous les exemplaires et la distribution. Je vais veiller de mon côté à ce qu’il n’en soit fait aucune distribution au palais. » Cette mesure resta secrète et, malgré les protestations de Duval de Soicourt, le Parlement n’osa point cette fois sévir publiquement contre Linguet.

L’assesseur, cependant, assiégeait de ses doléances le parquet général, et ne cessait d’appeler sur Linguet la foudre des réquisitions de M. Joly de Fleury. « J’implore votre protection, Monsieur, écrivait-il, le 5 juillet ; je me flatte que vous voudrez bien me raccorder, et me permettre de déposer au greffe de la cour un exemplaire du Mémoire[1] pour servir de dénonciation. J’ai de justes motifs de croire, Monseigneur, que M. Linguet, avocat, en est l’auteur, puisqu’il est le dernier qui a signé la consultation ; j’ai lieu de croire aussi que les instructions auront été fournies par le sieur Douville, père du sieur Douville de Maillefeu, accusé ; l’amitié qui les lie depuis quelques années et que les éloges qu’il lui prodigue annoncent, autorise ma présomption, ainsi que les discours que ledit sieur Douville a tenus hautement contre moi en cette ville…

« Signé : DUVAL de SOICOURT, lieutenant particulier, assesseur criminel en la sénéchaussée de Ponthieu. »

Le 13 juillet, Duval triomphe ; il a relevé dans le Mémoire une bien grande inexactitude ! L’avocat n’a-t-il pas dit que Moisnel était « cousin germain » du « rival préféré, » alors qu’on peut prouver qu’il n’était que « parent à un degré fort éloigné ! » Duval de Soicourt ajoute : « Je ne dois pas vous laisser ignorer, Monseigneur, les sollicitations vives que les parens des sieurs Moisnel, Saveuse et Maillefeu font auprès de moi depuis quelques jours pour m’engager à procéder à leur jugement ; quelle conduite

  1. Au Mémoire était jointe une consultation purement juridique, que Linguet avait fait signer aux plus célèbres avocats : Cellier, d’Outremont, Gerbier et même au féodal Muyart de Vouglans, qui pourtant à cette heure même s’évertuait, impuissant, à réfuter Beccaria.