davantage. » Et il les esquisse. L’une consisterait à donner à l’Autriche la Bavière, le Haut Palatinat, Salzbourg, Passau, en échange de tout ce qu’elle possède en Italie ; à transporter en Allemagne les ducs de Modène et de Toscane ; à transporter les Bavarois dans une partie des États du pape et à former du reste des républiques réunies ou alliées avec la République lombarde. Le roi de Prusse mettrait peut-être peu de bonne grâce à se prêter à ce projet. « Le moyen de le lui faire adopter serait de lui fournir un ample dédommagement ; lui satisfait, tout le reste serait réduit au silence. » Il est, ajoutait Charles Delacroix, une multitude d’autres combinaisons que vous formerez beaucoup mieux que moi… « Le point capital, c’est de persuader à la maison d’Autriche qu’elle obtiendra davantage et plus promptement en traitant avec la République seule. »
Ainsi spéculaient des hommes qui avaient volé successivement la renonciation aux conquêtes, l’affranchissement des peuples, et l’extermination des rois. Bonaparte n’avait prêté aucun de ces sermens téméraires, et les raisons d’État auxquelles les conventionnels revenaient après de si singuliers détours, étaient chez lui toutes directes et spontanées. Il écoutait les confidences de Clarke de la même oreille que Frédéric de Prusse aurait écoulé les insinuations d’un émissaire du cardinal Fleury, proposant de rompre la « pragmatique » et de régler le partage de la monarchie autrichienne. Il arriva très vile à cette conclusion que, pour faire la paix, il s’agissait moins encore d’écraser les Autrichiens que de conquérir assez de provinces italiennes pour les satisfaire. Il se sentit les mains libres et d’autant plus maître des affaires qu’il se jugeait capable d’accomplir avec suite ce que le Directoire ne savait que commander avec confusion. Clarke en eut l’impression. Après deux semaines passées au quartier général, cet Irlandais, très avisé, n’était déjà plus qu’un sous-secrétaire d’État de Bonaparte. « Il est l’honneur de la République, écrivait au Directoire, le 7 décembre, le futur duc de Feltre. Il est craint, aimé et respecté des Italiens. Tous les petits moyens d’intrigue échouent devant sa pénétration. Il a un grand ascendant sur les individus qui composent l’armée républicaine, parce qu’il devine ou conçoit d’abord leur pensée ou leur caractère et qu’il les dirige avec science vers le point où ils peuvent être le plus utiles… Je le crois… sans autre ambition que celle de la gloire qu’il s’est acquise… La constitution est son guide… Bonaparte sera mis par la postérité au rang des plus grands hommes. »